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jeudi 5 janvier 2017

On est pas là pour protéger nos enfants.

"Oublie tes erreurs et tes peurs
Je les efface
A chaque faux pas que tu feras
Je tomberai à ta place
Mon seul plaisir sera de t'offrir une vie idéale
Sans peine et sans mal

[...]
Je ferai un monde où tout ira bien
Tu seras jamais seul tu manqueras de rien"

Je Serai Là, Teri Moïse  




Il y a quelques semaines, je retombe sur cette chanson bien connue de feu-Teri Moïse, qui date de mon adolescence et qu'on trouvait telllllement jolie. 
Cette chanson est jolie, c'est vrai, mais les paroles entendues ce jour là m'ont piqué les oreilles.

Bon, le refrain, je dis pas :
"J'ai découvert qui je suis
Tout a changé le jour où je t'ai donné la vie
Et si jamais le monde t'es trop cruel
Je serai là toujours pour toi "

No problemo, c'est la quintescence de la maternité.... Mais le reste ? 

"Oublie tes erreurs et tes peurs
Je les efface 
Oublier quoi ? Ah non, non, non, moi j'efface rien. Les erreurs sont pleines d'enseignements et les peurs, des obstacles à surmonter dont on ressort grandi.
A chaque faux pas que tu feras Je tomberai à ta place 
QUOI !? Euh non, non plus. Je tombe déjà assez bien tout seule merci. Je veux bien tendre la main pour aider à relever mais c'est en tombant qu'on apprend à ne plus tomber.
Mon seul plaisir sera de t'offrir une vie idéale
Sans peine et sans mal
[...]
Je ferai un monde où tout ira bien
Tu seras jamais seul tu manqueras de rien
Alors déjà, j'ai plein de plaisirs dans la vie, hein ?  Et puis, comment Diable, suis-je censée faire ça ???

Vous savez quoi, je crois qu'une des plus grosses erreurs que véhicule notre modèle sociétal sur ce qu'est être parent c'est de nous faire croire que nous sommes censés protéger nos enfants.
Cette image de nous que nous avons, cette lubie profonde de vouloir qu'ils n'aient jamais mal, jamais peur, qu'ils ne connaissent ni la frustration, ni la haine, ni le mépris, ni la contrariété, ni rien. On veut les préserver de tout ce qui nous semble négatif.

Pour moi, c'est une résultante de deux éléments fondamentaux de notre modèle culturel : le fait que l'on vit dans la peur (voir ici), et l'omniprésence du confort. Nous sommes constamment en recherche de confort, au point que nous allons à l'encontre parfois de ce qui est bon pour nous afin de ne pas en sortir : accumuler des choses qui font tout à notre place, accoucher sans douleur, ne pas sortir quand il pleut ou qu'il fait froid, surchauffer nos maisons, rester dans des situations qui ne nous épanouissent pas mais qui nous maintiennent dans ce confort anesthésique, dans lequel d'ailleurs on s'échine à nous maintenir. Orson Wells et Aldous Huxley avait imaginé les sociétés dictatorielles du futur mais si je devais écrire mon "Meilleur des monde" je miserais sur la peur et le confort : "Le monde il est méchant mais j'ai pas le temps de le changer, c'est les soldes chez Conforama" : et on devient dociles comme des agneaux (ah non pardon, on partage notre indignation sur facebook!).

Mais, bref, je m'égare...

Pourquoi diable, prétends-je que notre rôle n'est pas de protéger nos enfants ?

Parce que les protéger de ce qui nous semble néfaste, c'est les protéger de la vie d'une part. La vie c'est pas un champ de fleurs, la vie est faite de bons et de mauvais moments, et si on apprécie les bons, c'est aussi parce qu'on a traversé les mauvais. La vie desfois c'est dur, mais parfois il faut savoir traverser ça pour accéder au bonheur. Personne n'a jamais dit que le bonheur c'était facile, ou qu'il avait vocation à l'être. 

Ensuite, je crois qu'il nous faut reprendre les rennes de nos vies, et quand je dis nos vies ce n'est pas seulement notre petite bulle mais notre façon d'être au monde, d'être dans le monde. Pour pouvoir être acteur, il faut donc agir et donc il faut voir le monde en face. Pour lutter contre la haine il faut la connaitre, pour lutter contre le mépris il faut en avoir été témoin, pour lutter contre l'inconscience il faut savoir vivre avec les inconscients.  

Parce que protéger nos enfants c'est les mettre réellement en danger. Si on tient le bouclier devant leurs yeux, ils n'apprennent pas ni à voir le danger, ni à s'en défendre seul, ni à l'éviter.(voir ici)

Dans des tas de cultures (souvent dites "primitives"), il existe des "passages initiatiques" où le jeune est volontairement placé dans une situation d'inconfort, voire de danger, et où il doit prouver qu'il peut surmonter cela pour être considéré comme un adulte. (Et soit dit en passant, être adulte est un accomplissement dans ces sociétés, pas une malédiction).
Et après tout n'est-ce pas cela, en effet, être adulte ? Avoir appris à vaincre, seul, les difficultés pour prendre sa vie en main et pouvoir engendrer alors d'autres vies ?

Et puis les protéger, le peut-on réellement ?
Je ne veux pas que mon fils se brûle avec les allumettes alors je vais toutes les enlever ou les mettre tout en haut de l'étagère. Et un jour l'enfant se brise le cou en ayant escaladé l'armoire pour aller chercher les allumettes quand ses parents avaient le dos tourné.
Je veux lui épargner l'angoisse de la séparation alors je reste toujours avec lui et j'empêche le père de s'impliquer parce qu'il ne "sait pas faire". Et un jour on est hospitalisée pour deux mois.
Mon fils se fait harceler à l'école, je vais en parler à la maitresse, je vais voir les parents de l'agresseur, l’agresseur lui-même, je vais le changer d'école. Et devenu adulte, il n'ose s'opposer à son voisin qui lui pourri la vie parce qu'à l'époque, c'est maman qui avait tout géré et qu’aujourd’hui elle n'est pas là. 
Je ne veux pas que ma fille boive de l'alcool parce que c'est mal alors à la maison on en a pas, on en parle pas, on ne fréquente pas de gens qui en boivent, on interdit les soirées où il y en a. Et un jour votre fille se regarde dans la glace après son premier verre de whisky à 8h du matin en se rappelant ce jour où ce charmant garçon lui a tendu un verre avec un clin d’œil et qu'elle n'en a jamais parlé à la maison parce qu'à la maison, ça n'existait pas.

Vouloir protéger un enfant, plus j'y pense, plus je trouve ça contre-productif.


Alors quoi ? "D 'après toi grande maline, que faut-il faire?"
Je laisses la parole à Dumbledore et Harry Potter :

"Comment puis-je protéger mon fils Dumbledore ?
- [...] On ne peut pas protéger les jeunes de la souffrance. La douleur doit arriver et elle arrivera.
- Donc, je suis censée rester là à ne rien faire ?
- Non. Tu es censé lui apprendre à affronter la vie. "

Moi y en a être d'accord.
Je veux dire, évidemment que je ne suis pas en train de dire qu'il faut livrer nos enfants à eux-mêmes ou les mettre dans des situations ingérables pour eux en pensant qu'ils s'en sortiront seuls et que ça leur servira de leçon.

A mes yeux aujourd’hui, notre rôle est de sensibiliser nos enfants, de les accompagner, de les soutenir, de les épauler, oui, de leur apprendre à se protéger, mais pas de les protéger.

Alors évidemment c'est difficile parce que souvent nous avons été protégés, et nous sommes très nombreux à ne pas savoir nous-mêmes comment nous protéger. Ou on a été laissés seuls, ou forcés : "T'es plus un bébé, c'est rien, serres les poings / rentres dans le tas".

Mais des outils bienveillants il y a en et vous les connaissez sûrement :
- accepter les émotions, les entendre et laisser l'enfant les entendre et lui apprendre à les gérer
- trouver des solutions ensemble, l'impliquer dans ce qui le concerne
- lui apprendre qu'il a le droit de dire ce qu'il ressent et d'être traité avec respect.
- avoir nous-mêmes un comportement exemplaire, en accord avec nos discours.
- laisser la place à l'autonomie, à l'expérience personnelle, sans jugement ni tentation de faire à leur place
- laisser le droit à l'erreur et laisser l'enfant tirer les conclusions qui s'impose
- être là, tout simplement, comme un refuge, un phare dans la tempête et laisser l'enfant venir à vous pour y puiser la force qui lui est nécessaire.
etc.

Pour moi, il ne s'agit pas de dire : "T'inquiète mon chou, maman va venir avec son bouclier en titane" mais "Bon, voilà du carton, du scotch, quelques clous, viens, on va te faire un bouclier. C'est quoi ça là-bas ? Ah ça, c'est mon bouclier en titane et tu sais quoi, un jour tu auras le tien. Mais il faut beaucoup de personnes pour faire celui-là. Viens on va commencer par le carton, je vais te montrer."  

Pour finir, je vous propose une réécriture de ma chanson d'intro  :

"Sers toi de tes erreurs et tes peurs
Dépasse-les, apprend d'elles
A chaque faux pas que tu feras
Je t'apprendrai à te relever

Mon plus grand plaisir sera de te voir construire ta vie librement
 Avec ses peines et ses joies

Et tu seras l'acteur d'un monde meilleur

Je t'apprendrais à te satisfaire de ce que la vie te donne
Et je serais là, toujours pour toi".


2 commentaires:

  1. J'ai lu ce billet dès sa publication et ce n'est que maintenant que je viens te dire que j'ai dit "voui, ah mais voui mais cent fois oui" à à peu près chaque ligne.
    Une citation que j'ai lue quelque part dit qu'être maman, c'est accepter que son cœur se ballade désormais en dehors de notre cage thoracique... dur dur de ne pas reconstruire une CAGE thoracique bis autour !

    J'ai la chance que, par la force des choses, mon premier bébé m'a démontré superbement dès ses premiers jours de vie qu'il était capable de survivre sans moi. J'espère ne jamais l'oublier !

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  2. Je suis d'accord avec toi :) mais pas toujours évident de faire face au regard des autres qui te prennent pour irresponsable de laisser faire telle ou telle chose à ton enfant :/ (des trucs basiques en plus souvent, mais c'est fou comme les gens ont parfois vite peur de "ce qui pourrait arriver", même si la conséquence n'est pas grave du tout !)

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