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samedi 5 novembre 2016

Obéissance et responsabilité : partie 1 – plaidoyer contre l'obéissance.

A l'heure où les lois qui dirigent nos vies permettent à des entreprises comme Monsanto de faire main basse sur la nourriture mondiale, où les raisons du commerce prennent le pas sur les raisons écologiques et humanistes, où les banques sont devenues les vraies maîtresses du monde en toute impunité, quand ceux qui nous gouvernent semblent être devenus des parangons de non-sens et qu'ils mènent le monde à sa perte au nom de leurs intérêts personnels, il semblerait que le salut de notre civilisation passe par la désobéissance.

Gandhi était désobéissant
La révolution française était une désobéissance
Un agriculteur qui resème lui-même des graines dans son champ est un désobéissant , s'il en donne à son voisin c'est encore pire.
Martin Luther King était un désobéissant
Mai 68 était un acte désobéissant
Le féminisme est issu d'actes désobéissants
La résistance est une désobéissance
Se battre pour le droit d'expression dans une dictature, c'est désobéir.

Les policiers, soldats, combattant qui tabassent et maltraitent des citoyens de par le monde obéissent
Les soldats d'Hitler ont obéit
Ceux qui ont dénoncé des juifs en fuite ont obéi
Le pilote qui a lancé la bombe sur Nagazaki a obéit

Les actes humanistes de ce monde ne naissent pas de l'obéissance, mais de la responsabilité. Savoir dire « non » à bon escient est une arme pour rendre le monde meilleur.
Alors je plaide, chers parents, pour que l'on arrête de s'obnubiler à vouloir apprendre à nos enfants à obéir, et pour qu'on leur apprenne à être responsables.

"Margot, n'obéit jamais..." 

...Je n'attends pas de toi que tu obéisses, j'attends de toi que tu sois responsable dans ta vie, j'attends de toi que tu mesure l'impact de tes comportement, que tu regardes quand tu fais quelque chose ce que ça fait sur l'autre. Parce que la responsabilité c'est le contraire de l'obéissance".
Cette citation extraite d'une conférence d'Isabelle Filliozat que je vous recommande, m'a vraiment frappé.

L'obéissance des enfants semble être LA clef de l'éducation classique, son pilier, voire son but ultime : se faire obéir de ses enfants. Un bon enfant est un enfant sage, qui obéit à ce qu'on lui dit. C'est même la qualité première d'un enfant aux yeux de bien des adultes.
Alors comment imaginer qu'un parent puisse volontairement et distinctement dire à son enfant : « N'obéit jamais » ????

Je crois que par cette seule phrase, Filliozat cristallise le gouffre qui sépare l'éducation classique de l'éducation "bienveillante". Ce gouffre qui nourrit l'incompréhension et la méfiance, voire le mépris des personnes qui n'y sont pas sensibilisées. Ce gouffre qui est difficile à franchir : il faut déconstruire énormément d'idées reçues qui forment notre culture éducative et reconstruire d'autres idées très inhabituelles pour parvenir à dire ces mots sans mentir. Pour parvenir à lâcher suffisamment prise, à relâcher suffisamment son emprise pour ne pas se fixer comme objectif l'obéissance de l'enfant.

Essayons, voulez-vous ?

Bon déjà, qu'est-ce que l'obéissance ? Hop, je file z'yeuter un dictionnaire.
« Obéir : se soumettre à la volonté de quelqu'un, à un règlement »
Bon alors si vous commencez à acquérir une sensibilité propre à la parentalité positive, déjà « se soumettre » c'est le genre de propos assez violent qui doit vous picoter un peu.
Le dictionnaire m'apporte une nuance assez drôle : « Obéissance passive : soumission aveugle aux ordres reçus », mais ne dit pas ce qu'est l'obéissance active. Je lui donnerais moi-même la définition de « Soumission à des ordres que l'on estime légitimes, justifiés ». Ce qui sous-entend le libre arbitre, l'intervention de la conscience de la personne et donc, d'une certaine façon de la responsabilité.

Qu'est-ce qu'être « responsable » ?
« Qui est réfléchi, qui pèse les conséquences de ses actes »
Aaaaaah ! Ben voilà une définition qu'elle donne envie !

Parce que, la grande question de l'éducation est : vers quoi voulons-nous que nos enfants tendent ? Vers la responsabilité non ?
Alors, je vous le demande : comment veut-on faire des adultes responsables, quand nous nous efforçons de faire des enfants obéissants ?
Ce que nous voulons c'est que nos enfants puissent prendre leur vie en main, qu'il ne se laissent pas marcher sur les pieds, qu'il aient confiance en eux tout en ayant conscience que leur comportement a un impact sur la vie des autres. Bon, alors pourquoi ne pas commencer par là ? Plutôt que d'attendre d'eux qu'ils fassent strictement ce qu'on leur dit pour le simple motif que la directive vient de nous ?
Quand on dit « J'ai dit non, donc c'est non ! », « Tu m'obéis et puis c'est tout !», « On ne discute pas ! », qu'est-ce qu'on fait ? On offre aucune initiative à l'enfant, on le rend passif, on le diminue, on lui fait comprendre que la seule personne qui sait ce qu'il convient de faire c'est le parent. La seule attitude que l'on attend de lui c'est celle d'un robot : on appuie sur un bouton et il exécute. Et voilà qu'à l'adolescence, on se met à dire à l'enfant : « Mais enfin, ce n'est pas à moi de te dire tout ce que tu dois faire !», « Eh didonc, tu es grand maintenant, c'est à toi d'agir, de prendre tes responsabilités ! », sauf qu'on ne lui a jamais permis d'apprendre ça avant.

La peur de lâcher la bride

Pourquoi s'accroche-t-on à ce concept d'obéissance ? Par peur, j'en suis convaincue. Par peur que si l'on impose pas sa volonté sur celle de l'enfant, cette dernière va devenir envahissante et incontrôlable.
Le problème c'est que le moyen finit par devenir la fin.

A la base, l'obéissance que l'on attend des enfants doit permettre de les éduquer, c'est à dire de leur apprendre la voie à suivre, et de régler les conflits de la maison. Le parent se pose en arbitre du bien et du mal, en juge des conflits et réglemente en demandant à ce que ses décisions soient suivies pour le bien commun.
Mais à force, on finit par vouloir que les enfants obéissent, point. En fait, il ne s'agit plus de vouloir que de l'obéissance naisse l'éducation, mais que de l'éducation naisse l'obéissance. On apprend, on éduque nos aux enfants à obéir. Et ça c'est totalement pas la même idée !
Pourquoi ? D'une part parce que l'obéissance « passive » ne vient pas spontanément aux enfants, pas plus qu'aux adultes d'ailleurs. Au contraire, ils ressentent très tôt le besoin d'affirmer leur indépendance. Ainsi, l'obéissance ne peut pas être un moyen mais devient un objectif.

Un autre élément qui devrait j'en suis sûre vous heurter, je l'ai trouvé dans ma lecture du livre de Carlos Gonzalez, « Serre- moi fort ».
3ème partie, « Les théories que je ne partage pas », premier chapitre : « La puériculture fasciste ».
BAAAAAMMMM ! Ça commence fort ! C'est presque une oxymore tellement les termes paraissent antinomiques. Là on se dit qu'il n'y va pas avec le dos de la cuillère et que personne, c'est évident, ne partage ces théories.
Vraiment ?
L'envie me prendrait bien de recopier intégralement le chapitre de Gonzalez mais bien sûr, je ne le peux (je vous renvoie donc à son livre). Je résumerai en disant que selon lui, les théories qui ont persisté après la chute des grandes dictatures occidentales sont les suivantes :
- Ne pas se laisser attendrir par les pleurs (ou les vomissements, si si !) d'un enfant car ils sont forcément factices.
- Laisser l'enfant dormir dans son lit et le séparer de sa mère la nuit dès la naissance
- Ne donner la tétée à l'enfant qu'à heure fixe et à espaces réguliers
- Brider, dès le plus jeune âge, toute forme de velléité de l'enfant sous peine qu'il prenne de mauvaises habitudes et ne devienne incontrôlable.
- Tout cela doit être fait pour son bien et pour le votre.
Ça vous dit quelque chose ? Vous avez déjà entendu ça non ?

Je reprend ici une citation intéressante :
« L’État véritable est celui qui recherche le bonheur de ses sujets, même si pour cela il doit parfois s'imposer par la force, se montrer dur, rigoureux ». Accepterions-nous que notre président nous dise "Vous n'aimez pas qu'on fasse comme ça, mais on va le faire quand même parce que c'est pour votre bien." (certains diront que c'est comme ça que ça fonctionne depuis longtemps...) ? On aurait plutôt envie de répondre que nous seuls savons ce qui est bon pour nous et que le rôle de l'Etat c'est d'écouter la protestation du peuple. 
Remplaçons maintenant quelques termes :
«Le parent véritable est celui qui recherche le bonheur de ses enfants, même si pour cela il doit parfois s'imposer par la force, se montrer dur, rigoureux ».
Une maxime maintes et maintes fois entendue non ? C'est presque une évidence pour certains parents, et peu de gens la remettraient en question. 
Cette citation est extraite de l'ouvrage d'un professeur en pédiatrie, Rafael Ramos : franquiste.
Et pourquoi la première phrase ne fonctionne pas, alors que la deuxième oui, bien qu'elles véhiculent toutes deux la même théorie ? 

Si Gonzalez parle de puériculture fasciste, c'est parce que selon un ouvrage d'Alice Miller, ces théories ont été utilisées par les grandes dictatures occidentales dans le but de préparer les citoyens, dès leur plus jeune âge, à une obéissance civile totale, quelque soit la laideur des ordres donnés*. Ignobles mais pas idiots, les penseurs de cette époque savaient très bien que le citoyen se formate au berceau, au sein de sa propre famille, et qu'il n'est pas de meilleur formateur que celui auquel on voue un amour inaliénable: le parent.
Je ne résiste pas à l'envie de vous recopier ici cette citation, toujours inspirée de ce chapitre de Gonzalez, tellement elle est à tomber :
«  Il est parfaitement naturel que cette âme infantile cherche à n'en faire qu'à sa tête et, si on n'agit pas dûment dans les deux premières années, il sera difficile plus tard d'atteindre l'objectif. Ces deux premières années offrent, entre autres, l'avantage que nous pouvons user de violence et de pression. Avec le temps, les enfants oublient tout ce qu'ils ont vécu dans leur prime enfance. Si à cette étape, nous pouvons les dépouiller de leur volonté, ils ne se rappelleront jamais qu'ils en ont eu une un jour et, précisément pour cette raison, la sévérité à laquelle il peut être nécessaire de recourir n'aura aucune conséquence grave. (J. Sulzer, 1748, cité par Miller, cité par Gonzalez) »

* l'objectif final de ces théories comme moyen de formater le citoyen, étant « non déclaré » Gonzalez n'étaye pas son raisonnement sur des faits prouvés. Ceci dit, même si l'on préfère admettre que ce formatage n'était pas l'objectif recherché, il en fut selon moi très certainement une conséquence avérée. Aussi cette théorie mérite-t-elle amplement réflexion.

Le glissement vers la domination

Ça vous paraît abusé ? Pourtant dans le fond, que dit Sulzer ? Il dit pareil que les défenseurs de la fessée, des punitions, de ceux qui pensent que la « mauvaise » partie de l'enfant doit être réprimée avec la plus stricte autorité ; tous ceux qui vous tiennent des discours en faveur de la répression de la nature de l'enfant et qui vous diront que c'est pour son bien (et ils sont nombreux, majoritaires même). Sauf qu'à travers cette citation, l'objectif de domination sur l'enfant est clairement exprimée.
C'est à ce niveau que le jeu est biaisé : les dictatures ont disparues, leurs intentions réprimées, mais la méthode est restée. Et ses conséquences aussi.

Avouons-le, il est tentant de vouloir chercher l'obéissance passive de l'enfant parce qu'elle procure un sentiment de domination confortable. Ce n'est pas forcément un sentiment malsain né de l'envie de sentir tout-puissant. Cela donne un sentiment de contrôle, un contrôle qui est rassurant. Être parent n'est pas facile. Ça l'est encore moins quand nous sommes noyés sous les remontrances et les conseils de tous poils, quand nous sommes montrés du doigt dans les lieux publics ou au sein de nos propres familles. Beaucoup de parents pensent qu'il est plus facile de punir que de passer du temps à tergiverser avec leurs enfants, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont « pas le temps ».
C'est aussi dû à un héritage culturel qui veut que la relation parent-enfant soit basée sur des rapport dominants/dominés, qui donnent nécessairement lieu à des rapports de force, et donc à une relation gagnant /perdant. Si le parent gagne, forcément l'enfant perd et inversement. Or personne n'aime perdre.

Il y a aussi je pense, une raison moins avouable, mais qui peut tous nous toucher : d'apprécier d'exercer un certain pouvoir sur une personne, dans un monde où nous avons le sentiment constant d'occuper la place de celui qui est contrôlé : par son patron, par les politiques, par les institutions de tout poils, par les lois, par son voisin parfois.
Le fonctionnement de nos familles porte en graine le fonctionnement de notre société, ces rapports de force, nous les vivons constamment, et nous sommes rarement du côté du gagnant. L’état de faiblesse de nos enfants, comme le dit Sulzer, permet d'exercer une domination facile. Alors ils prennent pour les autres, et perpétuent le système ; parce qu'ayant été eux-mêmes réprimés, ils réprimeront : pour justifier ce qu'ils ont vécu et en étant persuadés que c'est la bonne marche à suivre.

Mais est-ce que ça fonctionne ? à mon sens : NON.
- Parce que ce qui touche nos enfants, nous touche aussi. En leur faisant du mal, nous nous faisons du mal. N'avez-vous jamais entendu ou prononcé : « Allez, ne m'oblige pas à te punir. » ? Pourquoi dit-on des choses pareilles ? Parce qu'on a pas envie de le faire : de crier, de menacer, d'enfermer dans la chambre, de se battre en permanence avec nos enfants.
- Parce que comme je l'ai dit, notre nature n'est pas de nous écraser, c'est donc un combat permanent qui vous attend.
- Parce que ce n'est pas vraiment ce que nous voulons. Il existe des familles ou ce système fonctionne. Les enfants font tout ce qu'on leur dit, ne crient pas, ne courent pas, son polis, propres, bien coiffés, ne font des choses que lorsqu'on les y autorise. Au début elles suscitent l'émerveillement, mais cet émerveillement laisse souvent assez vite place à un sentiment de malaise : ces enfants, c'est un peu comme si on les avait éteint. Parce qu'en réalité nous savons que les « bêtises » font partie de la vie de nos enfants. Et parce que d'avoir des enfants semblables à des chiens bien dressés n'est pas notre souhait. Nous voulons des individus épanouis.

Alors brisons le cercle.

Comment ? Je vous en parle dans un deuxième article. Celui-ci était déjà bien long.;-)
Ou vous pouvez aller directement à la partie 3 - éclaircissements. 

1 commentaire:

  1. J'ai beaucoup aimé votre comparatif sur l'obéissance "enfant / adulte / être humain / société". Je ne l'avais pas fait sur ce thème, mais souvent quand on me dit "je comprends pas, il veut pas faire ca blablabla", je réponds "et toi, tu serais au travail ou à la maison, et ta collègue ou ton frère t'oblige à faire ca, tu réagis comment ?"... Je trouve que les gens oublient vite que les enfants sont des êtres humains, qu'ils ont des émotions etc. Alors, oui, nous, les adultes, on peut expliquer ses problèmes avec des mots, mais les enfants, bah... pas encore tout à fait ^^
    Merci pour cette super série d'articles :-)

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