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vendredi 24 avril 2015

Maman s’en va


 

J’ai longtemps hésité avant d’écrire cet article, je l’ai souvent effacé pour finalement le réécrire, par gêne, par pudeur et puis finalement je me dis quoi de mieux que ce blog pour vous parler de ma mère. Pour parler de moi, d’elle et moi. Pour lui rendre hommage. Pour vous dire ce qui fait mon quotidien de maman et de femme depuis 7 mois.

Ma mère est une femme incroyable. Une femme contre laquelle la vie s’est acharnée mais qui n’a jamais relâché sa rage jusqu’à aujourd’hui et c’est peut-être pour ça qu’elle s’en va.

J’ai toujours vécu dans l’angoisse de la perdre, cette peur ne m’a jamais lâché au point de ne pas pouvoir me séparer d’elle comme le font normalement tous les enfants. Je ne parle pas de quitter le nid, je parle de cette séparation symbolique qui nous permet de grandir et de nous affirmer. Cette séparation qui me faisait peur et que je considérais comme une rupture définitive. Et pourtant cette fois ci , je n’ai pas le choix. Nous n’avons pas le choix. ET cette séparation qui nous guette est pour moi une véritable rupture.

Ma mère a choisi de nous élever ma sœur et moi de manière diamétralement opposée à l’éducation qu’elle a reçu. Chose fréquente me direz-vous et qui n’a pas que son lot de choses positives puisque bien souvent, on cherche à se réparer. C’est vrai et ça n’a pas toujours été évident, mais qu’elle mère est parfaite ? Il n’en est pas moins que nous avons eu tout de même une mère bienveillante, et pleine d’amour. Elle m’a porté, allaitée, bercée, supportée toutes ces nuits où ,comme mon fils,  je ne voulais pas dormir et ne demandait que ma mère ,parce que je ne voulais qu’elle en permanence. Elle avait suffisamment confiance en elle et en nous pour nous pour nous laisser expérimenter un tas de choses, pour nous faire découvrir le monde, les arts, elle nous a laissé faire les études que l’on voulait pour y prendre du plaisir en nous laissant le droit à l’erreur, elle n’a jamais fermé aucune porte. Sauf une fois. Elle ne voulait pas que je parte loin pour mes études. Alors j’ai trouvé un autre moyen de partir, de quitter la maison. Elle savait que j’avais tort, que c’était une erreur mais elle savait aussi que me le dire ne servirait à rien, elle m’a laissé apprendre.

Depuis ma naissance, alors que j’étais sur le point de perdre ma mère contaminée par une transfusion sanguine, je vis dans l’angoisse de la mort. De sa mort. Ce qui serait à l’origine de notre relation si fusionnelle, de ce lien si particulier qui nous unit et qui nous permet de savoir que l’autre ne va pas bien, même à des centaines de kilomètres. Combien de fois ai-je été mal toute la journée jusqu’à avoir ma mère au téléphone enfin et apprendre qu’il s’était passé des choses, combien de fois a-t-elle appelé pour me demander ce qui n’allait pas sans le savoir réellement. J’aurais réussi à vaincre plus ou moins bien cette angoisse de mort pendant presque 32 ans. Et la voilà qui me rattrape. Qui nous rattrape. Parce que maman s’en va. Doucement, après 7 mois de combat contre un cancer, son corps en a assez.

Alors c’est à mon tour de l’accompagner. Dans sa lutte d’abord et dans le repos. C’est maintenant que c’est le plus difficile, quand on ne peut plus se bercer d’illusions. Beaucoup et parmi eux des professionnels, nous disent de ne pas nous effondrer devant elle. Je ne suis pas d’accord avec ça. Je ne veux pas lui cacher mes sentiments, je ne veux plus. C’est maintenant le temps de se dire les choses que l’on a envie de se dire, ou de rester dans le silence, mais d’être honnête. Le combat est finit alors plus la peine de faire semblant que tout va bien, que tout ira bien.

Je me dis qu’on ne se dit pas assez qu’on s’aime lorsque la vie est belle.  Ce a quoi ma mère m’a répondu, que c’est beau de vivre les choses dans l’insouciance du moment. Et elle a raison.

Dans toute cette douleur, je suis moi aussi une maman. Une maman bienveillante autant que je puisse l’être quand mes émotions me le permettent, parce qu’il y a des dérapages. Des moments de grosses colères et de cris. Des moments  où je ne supporte plus mon fils, ou je voudrais être seule et hurler ma douleur à m’en arracher la gorge, mais il est là. Il est là et il a besoin de moi.

Je ne lui cache rien de la situation et l’emmène voir sa Babou régulièrement. Il parle d’elle souvent. Mais il ne veut plus être qu’avec moi, tète en permanence, fais des cauchemars, se montre nerveux. Et il est difficile pour moi d’accepter ses émotions quand les miennes sont si violentes, de rester avec lui pour qu’il dorme alors que je voudrais parler à ma mère ou me livrer entière au chagrin pour m’en laver. Et puis il y a des jours ou c’est lui qui me porte. C’est lui qui me fait avancer et me donne de la lumière. Pour lui, je trouve en moi des ressources pour avoir un semblant de vie normale, et je couds, et je bricole, j’invente, on joue..

 Et surtout  j’essaie de ne pas penser à ce demain qui me terrifie, j’essaie de ne pas me projeter dans ce que sera ma vie sans elle. Avec elle, maintenant, c’est tout ce qui compte.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

2 commentaires:

  1. Ou qu'elle soit ta mère sera toujours près de toi, comme tu seras éternellement avec ton enfant. Cela il faut lui dire, "maman sera toujours là pour toi et près de toi."
    J'ai perdu ma mère à 4 ans, mais elle me protège touts les jours de ma vie !! Il faut parler de ce passage, tous les trois ensemble !!!

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  2. Bonsoir Jeanne,
    Merci pour ton témoignage.
    en parler est presque devenu une routine. Chaque fois qu'on va la voir, chaque fois qu'il a peur parce que je suis malade, chaque fois qu'il me voit pleurer, et quand les émotions sont plus douces aussi, on en parle. Pour lui comme pour moi c'est une épreuve difficile à traverser et si les mots peuvent apporter du sens, je crois qu'il n'y a rien de plus a faire que se laisser traverser par les émotions et tenter d'accompagner les siennes du mieux possible, en demandant de l'aide si besoin.

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