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mercredi 30 mars 2016

L'enfant peut-il tout apprendre par lui-même ?

Ceux qui me lisent depuis quelques temps ont bien compris que mon cheminement de maman m'a amené à aller de plus en plus vers ce que j'appelle « l'éveil libre » étant de plus en plus convaincue que mes enfants ont en eux-mêmes tout ce qu'il faut pour grandir et s'épanouir et que le mieux pour moi est encore de les accompagner plutôt que de vouloir les guider.

Quand j'ai l'occasion d'aborder ce point de vue ici ou ailleurs, un commentaire revient invariablement : « Oui mais il faut quand même leur apprendre certaines choses ! ». Alors je me suis posée la question pour de vrai : « Un enfant (et par extension, un Homme) peut-il réellement tout apprendre par lui-même ? »

Ma réponse est oui. Alors je préviens tout de suite, je n'ai pas de grandes études de chercheurs américains à donner en preuve, ni de grandes théories. C'est une réponse qui m'est venue en cumulant mon expérience, mes observations, mes lectures, mes recherches, mes réflexions personnelles et aussi – et pourquoi pas ?- mon « instinct ».
Et, oui, même des trucs compliqués comme la physique nucléaire, l'apprentissage de douze langues ou que sais-je. Je pense que oui, l'enfant (et l'Homme) a en lui-même le potentiel de faire cela par lui-même.

Par contre, si il en a le potentiel, ça ne voudra pas dire qu'il en aura envie ! On apprend ce qui nous motive, or, tout ne nous motive pas. Du coup si on laisse un enfant apprendre par lui-même, il ne faudra pas s'attendre à ce qu'il ait accès à la même quantité de savoirs qu'un enfant à qui on apprend des choses. Par contre ce qu'il apprendra, il y a de fortes chances pour qu'il le retienne. Comparez vous même la différence entre ce qu'on vous a appris à l'école et ce que vous en avez retenu. Personnellement je suis abasourdie par le nombre de choses que je sais avoir apprises, sans m'en rappeler la moindre parcelle. Oubliées les conjonctions de coordination et de subordination (quelqu'un peut m'expliquer à quoi ça sert d'ailleurs?), oubliée les exponentielles et autres logarithmes népériens, oublié la répartition des climats en France et leurs caractéristiques, oublié le tableau des atomes.
Pourtant on m'a appris tout cela. ON m'a appris tout cela mais l'ai-je vraiment appris, MOI ?
Ce qui me reste, en vérité, c'est ce qui me passionnait déjà avant ou à côté de l'école (ou à l'école parfois, je ne dirais pas que je n'ai rien découvert à l'école, je mentirai). Je crois qu'une personne passionnée peut tout absorber et tout comprendre.
Je me rappelle ce gamin de 10 ans qui était passionné par les buildings : ils connaissait tous les grands buildings du monde, leurs emplacements, leurs créateurs, le nombre d'étages, leurs hauteurs. C'était son truc et il le maitrisait complètement à fond.
Ce qui nous manque à nous adulte, c'est l'enthousiasme.
André Stern nous disait que l'on sait aujourd’hui que c'est l'enthousiasme qui permet de mémoriser les choses. Et que donc, si l'on apprend sous stress ou sans motivation, il ne restera pas grand-chose.
Mais lors de la rencontre qu'il animait, il s'était amusé à montrer le regard de la société sur une personne qui avait eu de bonnes notes en géométrie spatiale à l'école mais qui avait tout oublié sur le sujet et une personne qui avait eu de mauvaises notes ou qui ne l'avait pas apprise. Dans un cas comme dans l'autre, à l'instant T, aucune des deux personnes ne saurait vous parler de géométrie spatiale, mais l'image de celui a eu de bonnes notes sera plus positive que celle de celui qui n'a pas appris.
Or, apprendre et savoir sont deux choses distinctes.

Ensuite, je dis bien « apprendre par lui-même » et pas, « apprendre seul ». Nuance ! Si vous mettez un enfant seul dans une pièce vide il n'apprendra rien. Apprendre par soi-même signifie observer, imiter, avant tout. C'est pourquoi il n'est pas question de lâcher l'enfant dans la nature et le laisser se dépatouiller tout seul.
André Stern encore, dans le film « Etre et devenir » cette fois évoquait la façon dont il a appris le métier de luthier. Le seul professionnel qui avait accepté de le prendre sous son aile lui avait dit « Je ne peux rien t'apprendre, mais je peux te montrer ».
Cette phrase s'est imprimée en moi comme un mantra.
Ce qui signifie qu'un enfant pour apprendre, à besoin de « modèles ».
Petite parenthèse : ceux et celles qui ont lu mon article précédent ne manqueront pas de faire le parallèle avec mon pamphlet contre les modèles que l'on suit à la lettre et qui a fait chauffer les claviers. J'y ai pensé et finalement, oui, c'est un peu pareil : on démarre en imitant, les parents comme les enfants. C'est la base. A condition je le maintiens, que ce modèle vienne nous enrichir et pas que l'on s'oublie à son profit.
Pour moi être un modèle pour son enfant signifie vivre pour soi-même mais de manière forte, et en accord avec ses principes. Pour moi le premier outil d'instruction pour nos enfants est l'exemplarité. Si je vis dans le bazar, je ne peux pas m'attendre à ce qu'il range, si je lui dis de ne pas trop regarder la télé alors que je suis tout le temps l’œil vissé à mon portable, si je lui dis d'être respectueuse à mon égard et que je lui parle comme à un chien, si j’attends de lui qu'il se passionne pour un tas de choses alors que je passe mon temps à regarder des émissions de variété à la télé ou si j'espère cultiver sa curiosité en ne posant moi-même jamais de question, tout cela est peine perdue.
Point n'est besoin d'enseigner mais d'être. Et l'enfant prendra ce qui fait sens pour lui. Je crois que, nul n'est besoin de choisir pour lui.  Je crois même que choisir pour lui est voué à l'échec.
C'est ainsi que le monde évolue depuis la nuit des temps : emmagasiner une base, se l'approprier puis la dépasser. Aller soi-même là où les autres ne sont pas allés comme Newton, Einstein, Galilée, Picasso, Frank Zappa, Mark Rosenberg (ou le vrai inventeur de facebook à qui il a piqué l'idée ^_^) ou tout ces extraordinaires anonymes qui n'auront pas leurs noms inscrit dans l'Histoire mais qui font le monde meilleur à leur échelle. 

De plus, nous n'avons pas vocation à être la seule source d'enseignement pour nos enfants. Je re-re-cite André, qui a eu cette formule que j'aime beaucoup : mettre ses enfants dans le vaste monde. Ne pas miser sur les objets mais sur les humains.
D'un côté c'est plus facile avec un enfant car si on ose solliciter les gens, ils sont souvent plus ouverts à partager avec les petits. Bon il y aura toujours des réfractaires mais globalement, je crois que spontanément, en présence d'un enfant les gens prennent plaisir à partager. C'est ainsi que Minimog a pêché le brochet ou qu'elle a découvert le rapport aux chiens. Quand ça fonctionne c'est génial parce que ça nous rapproche de "l'autre", cet alter ego qui sait ce que nous ignorons et qui nous l'offre.

Car si un enfant peut à mon sens apprendre par lui-même, nous avons en nous cette envie, ce besoin même de transmettre. Et là aussi, je pense que ce que nous transmettons le mieux c'est ce qui nous enthousiasme réellement.
D'où le fait qu'aujourd'hui, ce que j'essaye d'améliorer pour le bien de mes enfants c'est ma propre vie. Je n'essaye plus tant de faire que d'être. Être le plus possible, le plus intensément.

Ce serait comme préparer la terre dans laquelle la graine va pousser mais en la laissant pousser seule, sans tirer dessus pour qu'elle pousse plus vite ou dans un certains sens. Du coup ça m'évoque (encore !) la formule d'André qui parle d'écologie de l'enfance.

Une charmante personne m'a un jour écrit ici que si je laissais ma fille devant des boulons sans rien faire elle finirait par les manger et qu'elle resterait conne si je ne faisais rien. un jour ma fille a pris les boulons et les barres à trous qui trainaient depuis des mois sur son étagère, sans rien dire ni demander et elle a fait... un hélicoptère. La seule chose que j'avais fait, moi, des mois avant c'était lui montrer comment on visse un boulon (c'était sensé être une activité vissage/dévissage Montessori ^_^) et à l'époque elle s'en fichait comme de sa première couche. Je ne savais même pas qu'elle savait ce qu'était un hélicoptère. 

D'un autre côté, mettre ses enfants dans le vaste monde ce n'est pas non plus évident. Trouver les bonnes personnes, prendre le temps, en avoir les moyens, tout ça nous handicape beaucoup. J'aimerais mettre mes enfants dans le vaste monde en permanence, mais je travaille, et si je cessais de travailler, l'argent me manquerait pour réaliser certaines choses. Car le vaste monde est... vaste justement. On peut se dire que tout est possible si on le veut, c'est surement vrai, mais toutes les personnes qui ont assisté à cette rencontre avec qui j'ai pu échanger ont invariablement dit "tout ça c'est très beau mais pour l'appliquer c'est autre chose".  Offrir à son enfant un environnement riche et varié dans le train train quotidien n'est pas toujours facile.

Laisser un enfant apprendre par lui-même, ça paraît simple, ça ne l'est pas. Il faut beaucoup de confiance, il faut accepter qu'il/elle apprenne moins mais mieux, dans une société où tout nous semble accessible très vite et qui nous fait croire que « plus » c'est « mieux ». Il faut accepter qu'il apprenne ce qui lui fait envie, et pas ce qui nous fait envie (et donc, accepter de nous rendre à nous-mêmes nos propres manques pour les combler – par exemple : je n'ai jamais étudié la musique, j'espère que mon enfant sera musicien je vais tout faire pour l'initier à la musique - ou je me mets moi-même à étudier la musique et je lui laisse la porte ouverte pour m'accompagner s'il en a envie). Il faut accepter qu'il apprenne à son rythme, sans freiner, sans pousser. C'est parfois contraire à tous nos réflexes.

C'est néanmoins la réflexion que je me fais et la voie que je suis de plus en plus. Lâcher, lâcher, encore et encore, pouce par pouce, jusqu'au grand saut un jour peut-être. Mais sans aller jusque là, c'est la réflexion que j'essaye d'inclure de plus en plus dans mon quotidien et qui m'apporte beaucoup d'harmonie. Moins de pression, moins de questions, moins de doutes, je n'ai plus l'impression d'avoir à me sacrifier ou de m'échiner pour le bien de mes enfants mais qu'au contraire, le bien de mes enfants passe par ma réalisation personnelle. C'est comme sortir d'hibernation pour aller vers la lumière.

" Ne plus seulement être dans l'action et dans le "faire", mais se poser et conjuguer le verbe "être". "*

Et vivre dans la confiance.


* extrait de Bébé s'exprime par signes d'Anaïs Galon et Claude Nougarolle

8 commentaires:

  1. Coucou à toi !
    Merci pour tes 2 articles ( oui j'ai lu le précédent en me disant que je viendrais commenter plus tard et quand je suis revenue jai du le relire une 2eme fois pour comprendre pourquoi il y avait eu autant de réactions diverses ^^).
    Franchement moi quand j'ai lu ton article "la vie sous stress", c'était la première fois que je venais sur ton blog ( merci Elsa d'avoir partagé) et tu m'as juste ouvert les yeux ! Je me suis enfin dit " je ne suis pas là seule alors détends toi deux minutes et laisse toi vivre ". Je me suis empressée de lire quelques uns de tes articles car j'étais justement dans ta démarche, pendant un moment toutes ces pédagogies me sortaient par les yeux tellement je ne savais plus où donner de la tête ! et oui tu as raison , vivons pour nous et nos enfants le ressentiront !!! Quand je prends mon harmonica ( je débute), mon fils se rue sur ses instruments, quand je colorie pour mon plaisir personnel, il s'installe à côté de moi pour colorier, dessiner.
    Avant j'étais hyper stressée " punaise je lui ai pas proposé de peinture depuis des semaines !!!", aujourd'hui je suis cool puisque de toute façon après l'école il me répète la même chose " maman on va au parc ? Dans la forêt ?" , bon OK la peinture ça lui passe au dessus de la tête, suivons le et allons grimper dans les arbres.
    Jaime bien tes articles parce que je m'y reconnais et qu'ils me font réfléchir sans culpabiliser ! Je suis la maman accro à son portable qui voudrait que son fils ne le soit pas adulte alors exit les écrans. Oui mais non y'a un problème la, si ça me dérange d'être accro , je n'ai qu'à changer moi même sinon quel sens il y mettra mon p'tit?! Et ça fait du bien !!! Jai l'impression que grace à lui je me découvre, j'ai envie de faire milles choses pour moi et je sais que ça ne sera que bénéfique pour lui ! Jai raconté un peu ma vie mais voilà je voulais te remercier, je suis sur le même chemin et je pense que ton message avant tout c'est " faites vous confiance !!!".

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    1. Mais tu sais j'écris des articles pour raconter ma vie. Celle des autres mamans m'intéresse aussi. ;-). Je me retrouve dans ce que tu dis. " punaise je lui ai pas proposé de peinture depuis des semaines !!!",je connais ^_^(j'ai rigolé en te lisant). Et puis un jour je réalise que, hey, la peinture elle sait qu'il y en a, si ça lui manque, elle le demandera hein ? Laisser ses enfants être acteurs de leur éveil c'est aussi ne pas s'imaginer qu'il manque quelque chose à leur place je crois.

      J'ai remarqué que les mamans très actives que j'aime lire sont pour beaucoup, ou ont été des enseignantes. je me dis que du coup leur réalisation personnelle passe par ce type de transmission. C'est en elle, ça bouillonne, ça les éclate, c'est presque un besoin. C'est ce qui me plait chez elles d'ailleurs : cette flamme, cette authenticité. Mais on est pas toutes formées sur le même moule. Moi mon truc c'est la vadrouille : je ne tiens pas en place, alors on bouge, et c'est bien aussi.
      Merci à toi pour ce retour.

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    2. Je suis enseignante :) , je me suis spécialisée pour les enfants ayant des troubles des fonctions cognitives.

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    3. moi aussi je me suis TELLEMENT retrouvée dans la phrase sur la peinture...;-) merci Titia !!

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  2. merci beaucoup pour ce chouette article (que je citerai dans un billet en préparation chez moi, si cela ne te dérange pas)
    allant cumuler boulot à temps partiel et démarrage d'IEF, j'ai bien besoin de ce genre de lectures pour m'aider à me détendre : mon F. apprendra quand même, même sans 1000 propositions chiadées !

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    1. mais je t'en pris. Je suivrais ton blog avec attention. Une maman qui se lance dans l'IEF sans arrêter de travailler ça m’intéresse beaucoup.

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    2. Je me suis copiée certains de tes articles en mail pour les lire après les vacances ;-)

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    3. bonne lecture alors !
      oui la problématique boulot + IEF est encore assez peu représentée, alors je m'efforce à la fois de me frayer mon chemin, et d'apporter ma pierre !

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