" Je n'aime pas le papa ours. Il n'est pas gentil. Je ne veux pas le voir, dit Petit Chou en jetant Papa Ours dans un seau et en le recouvrant d'une serviette.
-Pourquoi il n'est pas gentil? il t'a fait quelque chose?
-Oui....
-Tu as envie de m'en parler?
- Il est parti de la foret
-Ca t'embête qu'il soit parti?
-oui..il a laissé maman ours et petit ours tout seul.
- Tu es fâché contre papa?
-oui...il me laisse tout seul. Maman, je voudrais papa....."
Cette histoire est devenue notre quotidien. Un peu comme une ritournelle, Petit Chou joue et rejoue cette scène inexorablement, tous les jours. Je me dis qu'il a trouvé une façon d'exprimer son manque et que c'est bon pour lui. Il exprime il verbalise.
Les premiers temps il ne voulait pas en parler. Il jetait l'ours en expliquant qu'il ne voulait pas le voir, qu'il était méchant, c'est tout. Mais souvent il me demandait pourquoi son père était parti ou si j'allais faire pareil. Mais impossible d'avoir une discussion avec lui.
Je pense que mes propres sentiments ont beaucoup joué, il a senti qu'on ne pouvait pas en parler vraiment avec moi. J'ai eu beaucoup de mal a comprendre que je ne pouvais pas compenser l'absence de son père, et à ne pas souffrir véritablement de ces remarques dont chaque mot me heurtait comme un coup de poignard. Mon ressentiment a du jouer aussi, et par loyauté peut être a t'il préféré garder le silence. Jusqu'à ce que je lâche prise et parvienne a faire la distinction entre l'homme et le père ou plus exactement, à prioriser mes envies et les besoins de mon fils.
Toutes ces émotions ont changé des choses dans notre quotidien. Tout d'abord, aujourd'hui il est en mesure de me dire qu'il veut voir son père et moi de lui répondre avec sérénité.
"je veux voir papa.
-papa te manque
-oui
-papa est au travail, on lui envoie un message? "
et quand son père ne répond pas, ou n'est pas la, de répondre simplement et avec légèreté qu'on réessaiera plus tard/demain.
La plupart du temps, le simple fait de lui proposer de l'appeler, de le voir sur Skype ou d'envoyer u message suffit à lui rappeler que son père est là a sa manière.
Mais la grande nouveauté c'est l'introduction du doudou. Jusqu'à maintenant, Petit Chou n'a jamais voulu de sucette ni de doudou. Mais dans cette séparation, se joue aussi la séparation entre Petit Chou et moi.
C'est la fin de l'allaitement. Quelques jours avant son premier week end avec son père,
il a cessé de téter de manière régulière. La tétée du matin, l'unique tétée, est devenue occasionnelle. Il n'en a plus besoin et je suis prête moi aussi à le laisser aller. Je dirais même que je suis fière et heureuse de voir où je l'ai mené surtout avec cette année 2015 pleine de tourments, de voir que malgré toutes ses séparations violentes, il est relativement sécure. relativement parce que....
L'endormissement a changé aussi et c'est là que le doudou vient jouer son rôle. Cette fois ci ce n'est pas a sa demande que ça a changé mais à la mienne. Je n'ai plus de relais, mille choses à faire et je suis fatiguée. L'endormir comme avant à le porter ou le bercer n'est plus envisageable. Et d'autant plus que depuis la séparation, les endormissements se sont allongés. Par ce que la nuit non plus, Petit Chou ne veut pas être seul, il a peur d'être abandonné dans son sommeil.
Il a d'abord retrouvé le chemin de mon lit, chemin que je ne lui ai pas refusé dans un premier temps par fatigue. Impossible pour mois de tout mené de front et j'ai laissé aller beaucoup de choses pendant les deux premières semaines, comme une période de flottement ou chacun essaie de retrouver sa place son équilibre.
Une fois dans son lit à nouveau, les réveils se sont multipliés, les cauchemars aussi. et il finissait ses nuits avec moi.
Encore une fois je voyais bien que la réponse que j'apportais n'était pas la bonne et qu'il y avait confusion entre ses envies et ses besoins, la frontière est parfois ténue et c'est encore plus vrai quand on se trouve dans un état de "gestion de crise" plus qu'autre chose.
Il a envie de quoi? de câlins, de présence de fusion
Il a besoin de quoi? d'être sécuriser. Pour son père je ne peux rien faire a part accueillir et accompagner. Moi, je peux lui montrer qu'il existe et qu'il peut faire seul, je serais tout de même toujours là.
C'est ainsi qu'il s'est endormi seul et facilement. Jusqu'à ce fameux week end avec son père. Depuis les couchers sont devenus atroces. il ne veut plus aller dans son lit, il crie qu'il a perdu sa maman, il est dans une colère terrible. Une colère, pas une angoisse. Je me suis sentie démunie, perdue, en colère également mais je ne voulais pas non plus renoncer à son indépendance. Pendant quelques nuits je l'ai donc accompagné dans le sommeil à nouveau mais en essayant chaque fois de le laisser s'endormir seul.
Et puis j'ai eu le déclic. L'objet transitionnel. Je lui en ai parlé et il a voulu prendre mon pull, puis a demandé une photo. Il s'est couché ainsi, blotti contre mon pull. Il s'est relevé discrètement, j'ai fais mine de ne pas le voir. Il est retourné se coucher, puis est revenu, mon pull serré contre lui. Il a pris ma main en me disant qu'il avait du chagrin et on est retourné dans sa chambre. Je lui ai fait un câlin et je l'ai laissé, mon pull contre lui, la photo a portée de regard.
Ce soir, il n'a pas eu peur de perdre sa maman. S'il était totalement sécure, il n'aurait sans doute pas besoin d'un doudou. Les choses auraient coulé d'elles même , comme ça a été le cas avec l'allaitement ou l'arrêt du cododo. Peut être aussi que le fait que les affaires de son père soit encore là un mois et demi après, n'aide pas à comprendre clairement les choses. Mais je crois que lui comme moi, nous sommes en route vers l'équilibre et que cet objet transitionnel ne sera là que pour ce qu'il est :une transition, un court moment.
Comme à chaque fois je suis admirative de la capacité qu'il a à dire ses émotions à cet âge ! (Et admirative de la maman qui le comprend si bien :)
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