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lundi 13 avril 2015

Se promener, a quoi ça sert?

J'avais envie de vous parler de notre façon de voir la promenade, Hëlëne en avait parlé il y a longtemps également, sous l'angle de la pédagogie Montessori, l'occasion était faite de vous proposer un nouvel article à 4 mains !


Charlie:
La promenade chez nous est quotidienne. Il y a la promenade rituelle et les autres. C'est de celle la que j'ai envie de parler.
Elle n'avait l'air de rien cette promenade au début de notre routine: il s'agissait uniquement de faire le trajet de chez la nounou à notre maison, très simplement. Autrement dit, il était question d'aller d'un point A à un point B en prenant le temps de ramasser des cailloux, de regarder les chats passer, d'écouter les oiseaux. Une ballade somme toute classique qui s'est complexifié et rallongé au fur et à mesure du développement de Petit Chou.




Hëlëne:

J'ai très vite été convaincue du bénéfice des promenades, même pour le nourrisson (et sa maman), car lors de mes débuts chaotiques avec mon bébé hurleur, c'était mes grands moments de répit. J'avais un jour eu mon père au téléphone et je lui disais à demi mot que là, elle pleurait encore et encore et que juste, j'en pouvais plus, il me répond : «  Quand c'est comme ça, tu cherches pas, tu l'emballes et tu sors te promener ! ». Bon, qui ne tente rien...
N'avais-je pas fait 2 pas dehors que ma pépette s'endort. C'était hallucinant, dehors, elle ne pleurait quasiment jamais, parfois elle s'endormait dans sa poussette ou son écharpe, et à peine je rentrais, re-belotte les pleurs. J'ai souvent regretté qu'elle soit née en automne et je vous jure que l'idée de lui faire faire ses siestes dans le jardin en plein hiver -sous trois épaisseurs quand même- m'a traversé l'esprit plus d'une fois. J'ai marché comme jamais, et je sortais tous les jours. Les arbres et la rivière derrière chez moi ont littéralement épongé mes angoisses de jeune mère à la dérive. C'était mes moments de paix intérieure. Histoire de ne pas toujours faire les mêmes balades, j'ai commencé à me promener partout dans mon village... Que j'ai totalement découvert par la même occasion alors que j'y habitais depuis 3 ans. J'ai d'ailleurs gardé cette habitude deux ans plus tard, et quand je sens que ça ronchonne de trop, hop ! On sort !

Charlie:
J'ai beaucoup rêver devant certaines photos de baby gym ; photos sur lesquelles on peut voir des bébés hyper à l'aise faire des trucs de fous, ou de belles images d'enfants qui progressent en osant passer sous de grandes voiles. Sans compter l'aspect "socialisation" parce que oui, c'est une crainte récurrente, il est bon que les enfants partagent des choses entre eux, apprennent à rencontrer l'autre, à entrer en relation....et chez nous c'est compliqué. Alors oui, pendant un temps ça m'a donné envie. Et puis j'ai regardé nos promenades différemment et je me suis rendue compte que nos promenades offraient bien plus que de la baby gym ou que n'importe qu'elle autre activité collective. J'ai réalisé aussi qu'elles offraient bien plus qu'une découverte de la nature.
La promenade est un support extraordinaire et multisensoriel pour de nombreux apprentissages.






Hëlëne:

Chez moi, ce sont effectivement les propos de Maria Montessori qui m'ont ouvert les yeux. Dans L'Enfant, un passage parle justement des promenades. Maria Montessori disait qu'il fallait arrêter d'envisager la promenade comme un concept qui fait aller d'un point A à un point B, mais comme un chemin. Elle donnait l'exemple des nourrices qui pressaient les enfants pour arriver au parc, parce que l'objectif c'est le parc, en négligeant l’intérêt de tout ce qui se trouve entre le parc et la maison : les escaliers, les cailloux, les paysages, etc. Et qui apporte beaucoup à l'enfant. J'ai toujours gardé cette idée en mémoire lors des promenades de Minimog et pour moi, l’intérêt de la promenade commence sur le pallier de la maison.
Dommage collatéral, aujourd’hui j'ai toujours des appréhensions à me promener avec d'autres personnes car pour elles, bien souvent en effet, la promenade se réduit souvent à marcher, marcher, droit devant, encore et donc à passer son temps à dire à nos enfants : « Avance !», « Vite !», « Dépêche toi », « On a pas le temps ! »  «  Alleeeeez » « Grouille-toi ! », « Tiens regarde le toboggan est là-bas », « Non on va là ! », « Bon, tu viens ? », etc.
Honnêtement c'est le genre de promenade où je ne prend moi-même pas de plaisir parce que c'est rébarbatif et que, comment dire ? … C'est une promenade, une pause, un moment de détente, pas une course ! Un de ces délectables moments dans nos vies où précisément, on est pas censés être pressés.


Charlie:
Bien sur, il y a l'aspect moteur. A un certain âge, c'est la première chose que l'on attend d'une promenade, utiliser son corps, dépenser de l'énergie, évacuer des tensions, utiliser ses muscles....Pour cela, notre village est assez intéressant je trouve. Il n'y a pas de trottoir donc on marche au bord des jardins, des entrées de maisons, on grimpe sur les murs, on escalade les caves. On ramasse des cailloux on les jette dans le lavoir ou les égouts, on monte des gradines, on grimpe sur des rochers, sur de vieux murs, on court dans les descentes, on sautille dans les flaques d'eau....

Ce que j'observe à travers ce développement moteur, c'est la confiance qui grandit. Petit Chou, toujours collé à moi qui me lâche la main pour marcher seul, puis pour monter les marches seuls,
pour dévaler les pentes seuls....et qui me regarde avec fierté pour mieux recommencer.



On a la chance d'avoir beaucoup d'animaux chez nous de manière facilement accessible. On a pléthore de chevaux et de poney mais on a surtout la chance d'avoir parmi nos voisins un amoureux des animaux qui a effectué pleins de sauvetage. On profite donc tous les jours de l'âne, des chèvres d'espèces différentes, des oies, différentes espèces de poules il y avait même des lamas a un moment. Dans notre rituel nous allons donc les nourrir! Au début, c'est moi qui les nourrissait, Petit Chou dans les bras. A sa demande, je devais leur donner, les caresser comme s'il vivait les choses par procuration. Il n'était pas rare que le braiement de l'âne le terrifie au point de sonner le retour a la maison. Aujourd'hui, il donne lui même aux animaux ce que l'on apporte, il leur arrache de l'herbe et leur fait des câlins. Il reconnaît chacun d'entre eux, leur parle, les appelle, imite leur cris,
communique.




Dans un petit coin de rue, Petit Chou continue sa découverte des couleurs et s'initie a la botanique avec les massifs de bulbes d'une passionnée de jardin: anémone blanda, perce neige, crocus, fusain japonais, osmante, narcisses, tulipes botaniques...La propriétaire ne rate jamais une occasion de lui parler de ses fleurs. Il les touche, les caresse, appréhende les textures entre le velours des pétales fragiles de crocus et la rugosité de l'écorce des marronniers d'Inde.








Au lavoir, il regarde les enfants jouer au ballon, ou se courir après. L'un des garçons fait des tas de cailloux pour que Petit Chou les jette dans l'eau, les filles viennent lui parler et lui faire des câlins, et les plus grands le laissent faire quelques passes au ballon.
Il a pu observer que les cailloux tombent au fond de l'eau mais que les branches, les feuilles et les
fleurs flottent, que quand on les jette dans le sens du courant, ils se font emporter. Il fait de la
musique en jetant des cailloux de différentes tailles dans l'eau, doucement par petits groupes.

Il a appris à connaître la cavalière qui amène son cheval dans la prairie près du parc, la vieille dame qui va au cimetière tous les jours et qui vient s’asseoir sur un banc pour discuter avec nous, une grand mère qui fait un bout de chemin avec nous chaque fois qu'on la croise....


Hëlëne:



Même chose chez nous. Moins de fermes et village plus grand mais chaque micro-promenade apporte son lot de découverte : exercice de motricité, de vocabulaire, de repérage dans l'espace, découverte de la nature et son évolution, des lois de la physique, découvertes sensorielles, travail de l'équilibre, confiance, rapport aux animaux, détente. Une promenade est toujours riche en apprentissages et aussi en surprises. Pour moi c'est la plus grande source d'éveil et de construction intérieure pour un enfant.
A mon sens, les clefs d'une promenade consciente sont :
- laisser l'enfant profiter du parcours s'il en a envie : car beaucoup d’apprentissages sont à la clé

- se laisser diriger par l'enfant : Je ne saurais lister le nombre de bonnes surprises que j'ai eu en suivant Minimog quand elle désirait aller là où ce n'était pas prévu (tant que la direction est acceptable bien sûr – et évidemment si vous avez des enfants, la direction doit faire consensus). Une de nos plus chouettes trouvailles était des mûres qui ont servies à faire une tarte-à-papa (après goinfrage en règle sur place, évidemment!).



- varier les lieux : parce que refaire la même balade tout le temps, si c'est bien pour l'enfant qui y a ses repères, c'est un peu ch*** pour le parent, non ? Or pour que cela soit un plaisir pour eux, ce doit être un plaisir pour nous. Pas besoin d'aller au bout du monde pour faire des découvertes, la forêt pas loin de chez vous, le parc du village d'à côté, le village d'à côté lui-même, un site remarquable à visiter (parfois c'est « juste » un arbre), et si vous êtes en ville c'est pareil : un joli quartier ancien, un monument, un parc, une pépinière : c'est toujours d'autres sources de découvertes, et parfois de rencontres, pour eux comme pour nous. 





- et n'hésitez pas (si vous en avez le courage) à sortir par tous les temps ! Pour moi c'est facile, j'habite en Lorraine alors si j’attends qu'il fasse un soleil radieux et 25°c, je sors 15 jours dans l'année. C'est super intéressant de sortir après la pluie (ou pourquoi pas sous la pluie, soyons fous, si les enfants aiment bien), ou quand il neige, où le soir, où même la nuit (une sortie de nuit c'est génial). La nature, la faune, les senteurs, les sons sont différents et c'est chaque fois un monde à (re)découvrir. Et non, si vos enfants sont bien couverts, habillés et chaussés, il ne vont pas attraper une pneumonie. Il paraîtrait même que ce qui nous rend malades en hiver ce n'est pas tant le froid que le fait de rester enfermé.


Charlie:
Il a appris a reconnaître le bruit du vent dans les graminées, dans les arbres, de nos pas dans l'herbe ou dans les graviers.








Il a fait connaissance avec son ombre et la mienne et a découvert qu'on pouvait aussi ne rien faire.




Il a appris a maîtriser les émotions que produisaient en lui la balançoire et c'est certainement l'un de nos plus beaux premiers moments. Ce jour où Petit Chou a voulu en faire seul, chacun sur notre balançoire. J'espère ne jamais oublier son regard et son air si paisible. L'une des premières fois ou il a accepter de faire sans moi et d'être si bien sans moi.





Regarder la pluie emmener les cailloux dans son sillon, les feuilles être emportées dans les avaloirs, voir les gouttes d'eau sur le parapluie, écouter l'eau tombée en gros "plic" des gouttières percées, patauger dans les flaques d'eau et observer la boue remonter en dessinant des volutes, faire des tartes de boues, se rendre compte que tous les animaux se sont mis à l’abri, les oiseaux aussi. Que quand il pleut, comme quand il neige, comme quand il fait nuit, il pleut, il neige, il fait nuit partout (Hëlëne : clin d'oeil, moi aussi j'ai adoré cette découverte ^_^). Que nos pas ne font pas les même bruits. Que l'eau nous échappe mais que la neige s'agglutine dans nos mains....Les promenades font les meilleures plateaux, les meilleures expériences, sont la meilleure des écoles pour découvrir le monde et entrer en relation.

Et il y a tout ce dont je n'ai pas parlé et tout ce dont je n'ai pas conscience.

Rien de tout cela ne pourrait avoir lieu autrement.


Hëlëne:

Faire de l'initiation à la géologie, étudier une partie du régime alimentaire d'à peu près tous les animaux fermiers possibles, et beaucoup d'animaux domestiques, appréhender différents reliefs, différentes perspectives sur le monde, découvrir des ressources naturelles de la forêt telles que les champignons, les mûres, les pommes, les noisettes, les glands pour les jeux (essayez à présent de faire passer Minimog à côté d'un mûrier ou d'un mirabellier en fruit sans qu'elle ne percute !)... Dehors, Minimog a accru son vocabulaire de façon spectaculaire, elle sait cueillir des mûres mures (donc travail sur les couleurs en passant). Elle a accru aussi sa capacité à observer son environnement, et à décrire ce qu'elle voit.
Bref, plein de bénéfices à la clé ! 

Il y a aussi le facteur "hasard" qui me plait beaucoup. Sortir au même endroit tous les jours c'est toujours susceptible de vous apporter des surprises. On ne sait jamais qui ont va croiser, ce qu'on va voir, ce que l'on va pouvoir observer. Selon les rencontres, le temps qu'il fait, la période de l'année c'est toujours différent, sans cesse renouvelé.



 
Quel livre, quel plateau, quel matériel pédagogique aurait pu lui apporter autant que toute cette expérience de terrain qui laissera en prime, de chouettes souvenirs dont elle me reparle d'elle-même ?
« [Notre maîtresse] ne doit pas craindre que l'enfant, comme tant de gens veulent l'insinuer, s'arrête misérablement au matériel que nous avons limité, le substituant à la variété des choses offertes par la nature, ni au milieu plus vaste de l'école ou de la maison [et de la rue un peu plus loin dans le paragraphe] » Maria Montessori Pédagogie scientifique tome 1,la maison des enfants.




12 commentaires:

  1. Un grand bravo.
    Comme j'aimerais que la pratique qui est la vôtre et dont vous témoignez avec brio s'ébruite et multiplie les adeptes!
    Et la citation de Maria Montessori que vous avez choisie gagnerait à être connue.
    A ma mesure, je partage votre article (sur ma page Facebook Eveil et Nature).
    Merci!

    Emilie

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  2. Le retour aux sources, à la terre, là où l'enfant peut être un humain dans son environnement naturel, où les étiquettes s'envolent !

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  3. Ah comme j'aimerai connaître ces ballades calmes. Ici se sont mes enfants qui me disent "viiiiite" et moi c'est plutôt "attendeeeeeez ! ", "mais ils sont où???!!!!". Pourtant je veille à les sortir plusieurs heures par jour (ou la nuit tombée). Mais mon mari me dit que plus je les sors, plus il se musclent et deviennent endurants, et pire ce sera !
    Chloé
    Chloé

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    Réponses
    1. Si d'autres mamans ont des enfants très toniques, ma solution pour ne pas m'épuiser est la piscine. Des brassards et zou ! tout le monde dans l'eau....sauf moi qui peut me reposer un peu et superviser sans avoir à courir.

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    2. La piscine c'est une bonne idée, personnellement je m'en sers tous les soirs pour avoir un moment pour ranger tranquillement. Comme nous n'avons qu'une douche, j'ai récupéré une toute petite piscine que je place dedans, je mets un fond d'eau et hop, c'est parti pour un bain de 20/25 minutes où ma fille me fait la joie de m'oublier. Ceci dit, moi en Lorraine, la piscine c'est pas avant l'été, impensable avant au vu de nos températures.

      Sinon Chloé, tu peux essayer de te trouver un parc de jeu fermé où tu pourrais lâcher tes petits fauves en étant pas obligée de passer ton temps à leur courir après. Personnellement, je me dis que, si tu les sortais moins, ils se pourraient bien qu'ils ne puissent pas se défouler comme ils en ont besoin et ce serait l'horreur à la maison. L'extérieur c'est aussi l'endroit où on peut crier, courir, sauter, évacuer son trop plein d'énergie en toute liberté, alors que la même chose à l'intérieur, c'est l'enfer.

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    3. Bonne idée la piscine à la maison ! je trouve que l'eau est très apaisante pour les enfants.

      J'avais essayé de prendre un parc (un bien : grand, avec une porte avec sécurité, des jeux intégrés) mais ça n'a pas marché. Rapidement ils ont su passer par dessus et/ou ouvrir la porte et le parc est devenu source de conflit.

      En effet, l'extérieur et la piscine/l'eau semblent être les 2 exutoirespratiques pour des enfants dynamiques.

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    4. Je suis pas sûre de comprendre: tu as voulu acheter un parc c'est ça ? Parce que moi je parlais d'un parc collectif. Mais c'est vrai que ce n'est pas toujours facile à trouver.
      Sinon ça parait bête, mais au delà de l'exutoire, as-tu exprimé à tes enfants le fait que ça TE cause une grande inquiétude et un grand stress qu'ils se comportent ainsi en extérieur ? La solution serait peut-être d'arriver à fixer des règles communes qui vous permettent de passer à tous un bon moment. Parce que si eux ça leur convient mais que pour toi c'est un cauchemar, ce n'est pas acceptable.

      Hëlëne

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    5. J'avais mal compris. Mes enfants ouvrent les portes très jeunes (même avec systèmes de sécurité enfant) vers 13 à 14 mois donc un parc fermé ne l'est jamais bien longtemps.

      Le fait que les enfants courent ne me cause ni stress, ni inquiétude.

      Petite j'étais pareille, je connais leur besoin de mouvement. Avec le temps ils sauront canaliser cette énergie. Je suis pro autorité mais je souhaite préserver leur dynamisme que je vois comme leur force vitale, leur feu sacré.

      Chloé

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    6. En effet on s'était très mal comprises. Je pensais moi que tu exprimais une gêne vis à vis du dynamisme de tes enfants puisque tu disais vouloir pouvoir connaitre des promenades plus calmes. Mais s'il n'y a pas de gêne alors tant mieux. ;-)

      Hëlëne

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    7. Oui ca me plairait ces promenades contemplatives :-) mais j'ai des petits bolides et je les prends et les aime tels qu'ils sont

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