Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

lundi 6 avril 2015

Parler avec sa maman

" Back then I didn't know why, why you were misunderstood,
So now I see through your eyes, all that you did was love"
 Mama, The Spice Girls

Fin d'année dernière, vers novembre, je connais une période un peu spéciale. N'ayant pas très bien étalé mes jours de congés dans l'année, je me retrouve avec quasiment un mois de congés ininterrompu avec ma fille. Et cela m'angoisse. Je me rends compte d'ailleurs que si j'ai posé si peu de congés durant toute l'année c'est que je ne posais de congés que lorsque j'avais la possibilité de m'éclipser quelque part. Je me rends compte en fait, que d'être seule à la maison en présence de ma fille me terrifie. Littéralement. Je cherche avec frénésie à remplir mon emploi du temps d'activités, de visites et autres. Mais on est en plein mois de novembre et tout le monde bosse et le temps ne se prête guère à de folles aventures.
(Je sais, à l'heure où je parle de pratiquer l'IEF, ça paraît psychédélique. Même pour moi. Comme quoi j'ai fait un sacré chemin en peu de temps).

Dans le même temps, j'entame une série de rencontres avec des sages-femmes pour anticiper mon projet d'accouchement puisque bébé 2 refuse de pointer son nez ; et de ces rencontres ressortent beaucoup de choses. Je me rends compte qu'en fait, la dernière fois que je me suis retrouvée seule à la maison pendant une longue période hivernale avec mon bébé, c'était pendant mon congé maternité. Une période que j'ai pour ainsi dire « pas très bien vécu » (euphémisme). Et que ce qui m'angoisse à ce moment ce sont les fantômes de cette période.
Je réalise que si j'ai cru avoir dépassé ces moments, c'est simplement parce que j'ai repris le travail.

Je réalise aussi que je ne peux pas rester ainsi. Encore moins avec le projet d'avoir un deuxième enfant.
(ça c'était juste mon intro, là je vais parler du sujet mentionné dans le titre).

Donc j'en parle autour de moi, et une copine me dit : « Comment ta mère a vécu son congé maternité ? » - « Je n'en sais rien. » - « Tu ne lui en as jamais parlé ? Il faudrait que tu lui en parles. ». Et là, bizarrement, ça me gêne.
C'est fou quand même, et si j'écris là-dessus aujourd'hui, c'est parce que je suis certaine que nous sommes plusieurs dans ce cas.
Ce qui avait mis la puce à l’oreille de ma copine c'est que quand elle m'a demandé comment s'était passé ma naissance, j'ai répondu : « Pareil que celle de ma fille, mais j'ai eu du personnel plus compétent que ma mère». 
Pareil... Oui, il doit bien y avoir des réponses à chercher par là....
Je sais depuis que j'ai commencé à lire Filliozat que nous sommes porteurs malgré nous de l'héritage du vécu de nos parents et que cet héritage conditionne inconsciemment notre propre vie de parent. Mais avant que je ne demande à ma mère : « Comment tu as vécu ton congé après ma naissance ? », il a fallu que je prenne mon courage à deux mains, que je prépare mes mots, j'ai essayé de choisir un moment opportun. Bref, tout un drame. On aurait dit que je m’apprêtais à lui dire : « Maman, j'ai le sida » ou un truc du genre.

Dans la plupart des cultures dites « primitives » le savoir lié à la maternité se transmet de mère en fille. Mais nous, dans nos sociétés avancées, parfois en tous cas, nous n'osons plus parler à nos mères. Comme si une espèce de tabou s'était installé. Pour certaines, il s'installe même une sorte de réticence, d'agressivité. « Ma mère me fait la morale » - « Je me sens diminuée » - «  Elle me croit incapable » - « Elle est toujours en train de faire des commentaires pour me dire comment je dois faire » - « Elle ne me comprend pas ».

Je n'ai pas ces problèmes avec ma mère mais je crois que, ayant choisi des façons de faire différentes, je pensais.... Peut-être que l'on était trop en décalage.

Mais j'ai parlé à ma mère. Et ce fut une chouette expérience. Déjà, ma mère a aimé parler de son vécu, ça se sentait. Je crois que ça lui a fait plaisir que je lui demande. Je crois que nos mères ont besoin d'échanger avec nous, de nous transmettre leur histoire de mère, et que quand on ne leur en laisse pas l'occasion, certaines le font « de force », maladroitement. « Mais enfin, ma fille parle avec ses copines, lit des livres, rencontre des parents mais à moi, elle ne me demande rien ? », peut-être que derrière des mères blessantes, il y a des mères blessées, derrière des mères humiliantes, il y a des mères humiliées.

Ensuite, ça a énormément éclairé ma vie de mère. Je vous le donne en mille, ma mère a vécu les mêmes angoisses que moi, pour les mêmes raisons, et même, ma grand-mère maternelle également. Ça m'a appris des choses sur moi. Et sur ma mère. 
C'est drôle parce que je n'ai pas le souvenir d'une mère très câline. J'ai vécu des périodes très conflictuelles avec elle notamment à l'adolescence et si j'avais des choses à confier, j'allais voir ma grand-mère paternelle pour ça.
Mais de revivre mes premiers instants de vie par sa bouche m'en donnait un angle différent. Ma mère devenait pleinement mère, de l'image sacrée de la Mère. J'ai tout simplement redécouvert ma mère, sous un autre angle. 
Et j'ai pris conscience qu'elle m'a aimé comme j'aime ma fille et qu'à sa façon, elle aussi elle s'est battue. Que je ne fais que reprendre son combat mais en allant plus loin, parce que mon époque aussi me le permet. J'ai l'impression que ce chemin vers la bienveillance que je suis est un chemin trans-générationnel. Les valeurs que ma mère m'a transmise m'ont mises sur la voie et voici que, partant de ce point de départ, je vais plus loin.
Je me sens aujourd'hui plus proche d'elle, plus « connectée ». Bien sûr quand je lui parle de mes projets, elle est septique. Mais elle ne me reproche rien et je crois qu'à l'arrivée, elle comprendra que j'ai suivi le même chemin.

Parler avec sa mère - dans l'intimité bien sûr, dans un  moment dédié, pas en plein repas de famille où il faut prouver que, montrer que...- c'est comprendre des choses sur soi, depuis le début de notre vie jusqu'à aujourd'hui. Et comprendre l'héritage que cela nous lègue, permet aussi de briser le cercle qui nous fait porter le poids de blessures qui ne sont pas les nôtres, mais celles d'autres vies avant nous dont nous héritons.

C'est à la fois une délivrance et un rapprochement.
Et ça fait du bien.

Parler avec sa mère, sincèrement, en accueillant ce qu'elle a à dire, en écoutant sans attente et sans jugement, c'est une belle expérience dont il est dommage de se priver. Ce fut en tous cas la mienne.

Mamans qui me lisez, lire des livres, échanger dans des papotes, voir des conférences, rencontrer des gens, c'est bien. Mais n'oubliez pas de parler avec vos mamans.

1 commentaire:

  1. Ce texte me touche/remue/fait cogiter énormément !! Et puis, ton témoignage complète parfaitement la lecture de "Il n'y a pas de parents parfaits" que j'ai commencé depuis peu.

    RépondreSupprimer