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vendredi 1 mai 2015

Unschooling : le témoignage d'Hélène et Olivier.

Hélène et Olivier sont des parents que je côtoie depuis plus d'un an maintenant via le réseau local de la bienveillance parentale mosellane. Ils sont parents de 3 enfants : Pierre qui « aurait dû » rentrer en CP à la rentrée dernière, Lou qui « devrait » entrer en maternelle l'an prochain et Simon le petit dernier qui a encore bien le temps de voir venir.
Si vous nous suivez depuis longtemps ils ne doivent pas vous être inconnus puisqu'ils sont à l'origine de la page facebook « La bienveillance en famille » à laquelle je fais régulièrement référence.
Depuis septembre dernier, Pierre est déscolarisé. Aussi, dans le cadre de mon cheminement sur les alternatives à l'école, j'ai souhaité les rencontrer pour évoquer avec eux leur expérience et j'ai pensé que cela profiterait peut-être à certain(e)s d'entre vous aussi. Du coup j'ai ajouté des questions moins personnelles et plus « lambda » sur l'unschooling.
Ils ont très gentiment accepté de rendre publique une partie de notre discussion et je les en remercie. Je remercie aussi Pierre qui a gentiment accepté que l'on parle de son histoire.

C'est assez long, j'ai tâché d'aller à l'essentiel mais je trouve que leur histoire dans sa globalité est vraiment intéressante. Moi en tous cas, ça m'a beaucoup parlé, je m'y suis énormément retrouvée et ça a confirmé bien des choses que je commençais à entrevoir. J'ai trouvé ce témoignage vraiment positif et je suis heureuse de pouvoir le partager avec vous.
Enjoy !

Qu'est-ce qui vous a amené à faire le choix de déscolariser votre fils ?

H : En fait, on n’a pas eu réellement le choix. Cette décision a découlé de difficultés rencontrées par Pierre lorsqu'il était à l'école. Pierre a fait 3 années de maternelle et il ne s'y est jamais plu.
A l'époque où nous l'avons inscrit en première section de maternelle, ça nous semblait normal. Nous ne connaissions même pas l'école à la maison, personne dans notre entourage ne pratiquait ça. A l'époque, ça m'aurait semblé totalement fou qu'il n'aille pas à l'école. C'était important pour moi qu'il y aille pour se faire des copains, apprendre des choses, surtout pour moi en tant qu'institutrice.

Mais je me suis vite rendue compte que c'était dur pour lui, qu'il existait un gros mal-être, surtout au moment de la séparation, qui n'a pas été facilitée par une insertion assez brutale dès le premier jour, sans aucun temps d'adaptation. Ce fut très traumatisant pour lui comme pour moi car je m'étais attendue à pouvoir faire connaissance avec la maîtresse et rester un peu avec lui pour faire une adaptation en douceur.
Et pendant 3 ans ça été ça : c'était dur à chaque rentrée, à chaque reprise de vacances, il pleurait tous les matins, il n'avait pas envie d'aller à l'école.

Les maîtresses ont toutes essayé de nous rassurer en nous disant qu'une fois qu'on était partis ça allait, qu'il s'amusait, etc.

Ce n'était pas le retour que tu avais de ton fils ?

En fait c'était compliqué parce qu'il ne disait rien, donc je croyais la maîtresse qui me disait de ne pas m'inquiéter.
Jusqu'à la rentrée en CP. L’institutrice et directrice d'école était une de mes collègues et elle m'a franchement dit que ça n'allait pas et que mon fils n'était pas du tout épanoui à l'école.
Ça m'a fait mal de l'entendre mais en même temps, pour une fois c'était honnête et ce fut le déclic.

Dès l'entrée en maternelle de Pierre et avec l'arrivée de Lou, nous avons commencé à entrer dans la bienveillance par les lectures de Faber et Mazlich et Filliozat, et on se rendait compte que ce qui se passait ne correspondait pas à ce que nous voulions pour notre fils. On a vraiment souffert pendant 3 ans et on ne s'est pas sentis soutenus comme on l'aurait voulu. Les maîtresses lui disaient : « Ben alors Pierre, faut pas pleurer ! A ton âge ! T'es plus un bébé ! ».
La maîtresse du CP me l'a clairement dit : « Ce n'est pas au système de s'adapter aux enfants, c'est aux enfants de s’adapter au système » [Hélas...]. Et quand j'ai entendu ça ce fut fini. J'ai su que je n'avais rien à espérer de ce côté-là.

L'école à la maison fut votre premier choix où vous y êtes arrivés parce que vous n'aviez pas d'autres alternatives ?

Mon premier choix c'était de chercher une école alternative, mais dans le coin il n'y a rien. Donc je me suis dit que j'allais la faire cette école. Une école principalement Montessori mais pas seulement. Plutôt une école comme les Souris vertes ou la Ferme des enfants de Sophie Rabhi [où Hélène est partie suivre un stage de formation en pédagogie alternative]. J'ai longtemps gardé ce projet, jusqu'en décembre lors de ma deuxième visite aux Souris vertes. Ça m'a beaucoup plu mais je ne me voyais pas à leur place. Déjà, entre temps, la collègue qui voulait se lancer avec moi avait dû renoncer pour des raisons financières [les instit des Souris vertes sont bénévoles]. J'étais encore prête à me lancer seule et puis j'ai réfléchi : j'étais enceinte, j'aurais eu en plus Pierre et Lou en IEF... En étant réaliste c'était infaisable.
La visite des Souris vertes m'a conforté dans cette idée : j'ai trouvé les filles crevées, ce qu'elles m'ont confirmé. De plus je connaissais une ancienne collègue partie en école Montessori qui venait de faire un burn-out. En fait, quand tu te lances dans une pédagogie alternative qui te plaît, où il y a tant à faire, le risque c'est souvent d'en faire trop [je connais aussi à ma modeste échelle...]. Or, ouvrir une école au profit des enfants des autres mais au détriment de ma famille, ce n'était pas ce que je voulais.

O : D'autant plus qu'entre temps on avait trouvé une solution avec l'IEF qui nous convenait.

Et donc, concrètement, comment vous pratiquez : vous avez un temps défini ? Une salle dédiée ? Vous suivez une ou plusieurs pédagogies particulières, vous avez un cadre ou pas du tout ?

H : En fait, ça a beaucoup évolué. Les premières semaines nous faisions l'école à la maison : en tant qu'institutrice, je connaissais les programmes, j'avais du matériel, donc je faisais de l'école chez nous. Mais Pierre m'a vite dit que ça ne lui convenait pas. Apprendre sous la contrainte ne le motivait pas.
J'étais enceinte, fatiguée, et je ne voulais pas le contraindre, mais j'avais quand même envie de faire des choses concrètes avec lui. Donc on est passés sur un mode plus libre : je le laissais vivre sa vie, mais je tenais à ce que l'on tienne un cahier de vie. Je prenais beaucoup de photos dans la journée, et le lendemain, je tenais à ce qu'il écrive ou dessine quelque chose à ce sujet. Moi aussi j'écrivais, je le faisais lire. Et nous avions aussi un répertoire de mots pour le vocabulaire et l’orthographe, je trouvais ça super chouette... sauf que lui ça le saoulait.

Bref, il n'aimait pas avoir un cadre ?

C'est ça. Mais au début, moi ça me rassurait parce que j'avais l'impression de maîtriser un peu les choses. Mais ça le saoulait tellement que j'en suis venue à me demander quel était l’intérêt pour lui. Et je ne voulais vraiment pas le forcer, donc on a fini par tout laisser tomber, même le cahier de vie et on a fini par ne plus rien faire de régulier, ni de cadré du tout.

Donc aujourd’hui vous pratiquez un total unschooling ?

C'est ça.

Et ça ne vous a jamais fait peur ?

Pour l'instant il est assez petit donc.... non, je n'ai pas peur. Je pense qu'il y aura toujours des périodes de doutes mais pour l'instant non, je n'ai pas peur.

Et globalement, vous avez le sentiment qu'il apprend vraiment ?

O : ben, il n'apprend pas au sens scolaire. Il était en avance en maternelle, là il doit être au même niveau que les autres élèves. Mais il est clair que l'écart risque de se creuser après.
Mais on part du principe qu'à un moment donné pour faire certaines choses, il aura besoin d'avoir des acquis et que c'est à ce moment-là qu'il trouvera la motivation.
Ce qui nous a aidé c'est d'assister à une conférence de Deirdre Bergeron. Elle a vécu dans une ferme isolée avec ses deux sœurs et leurs parents. Son père, ancien prof d'université se refusait à les guider ou à essayer de leur apprendre quelque chose. Il n'a fait que répondre à ce qu'elles demandaient et au final, les 3 filles s'en sont très bien sorties. Certaines ont souhaité faire des études supérieures et ont comblé leurs manques d’elles-mêmes. Ça nous a montré que c'était vraiment faisable.
De plus, Pierre apprend tous les jours des savoirs et savoir-faire non scolaires : il cuisine, bricole, s’occupe de ses frères et sœurs, etc.

Mais c'est quand même une démarche qui demande de faire énormément confiance à son enfant. Vous pensez que vous auriez pu le faire sans avoir au préalable un cheminement vers la parentalité bienveillante ?

O : Ah non ! La démarche est globale. Tu ne peux pas du jour au lendemain déscolariser ton enfant et faire de l'éducation non formelle si tu n'as pas déjà un bagage, ni commencé à te poser des questions sur la société, le monde, les valeurs de l'école. Pour moi c'est un ensemble : tous ces gens qui se posent des questions sur l'éducation alternative, l'écologie, ta place dans la société : tous ces chemins amènent à se poser des questions sur l'éducation.
Pour nous, ça vient d'une souffrance mais plus on regarde le système scolaire tel qu'il est, plus on est contents du choix qu'on a fait. Les valeurs qui sont transmises dans le système scolaire ne sont pas celles que l'on souhaite transmettre à nos enfants : compétition à tous les niveaux, rabaisser l'autre pour mieux s'en sortir, la carotte et le bâton, bref des choses qui ne construisent pas des futurs adultes responsables, mais qui conduisent surtout à l'individualisme du monde tel qu'il est aujourd’hui.

On observe des cheminements différents : certains ont commencé par sortir leur enfant de l'école et ça les a conduit à se poser des questions, d'autres se sont posés des questions et ont fini par déscolariser, mais au final, la plupart des gens finissent par converger vers des interrogations similaires.

Et du coup, vous comptez ne scolariser aucun de vos enfants ?

H : Et ben... Même pas ! On va les écouter en fait. Et Lou a exprimé le désir d'aller à l'école.

O : Même si elle est jeune, nous estimons qu'elle a le droit de choisir et aussi le droit de se tromper. Essayer et voir par elle-même. En plus, soyons honnête, la maternelle c'est pas encore vraiment l'école. Bon y a déjà des choses qui sont pas super...

H : ça dépend beaucoup de l'instit' en fait.

O : C'est vrai. Mais le cap du CP, ça devient vraiment le système scolaire. Bon dans le cas de Pierre, il y vraiment eu un souci dès le départ. Mais pourquoi pas ? On fera le point avec elle et on verra. Moi ça ne me pose pas de problème.

H : moi ça me pose quand même problème. Clairement, je n'en ai pas envie, si je n'écoutais que moi je ne la mettrais pas, parce que je ne pense pas que ce soit le meilleur pour elle et qu'elle sera bien mieux à la maison avec nous. En plus, bon, c'est un peu égoïste et je ne veux pas que ça entre en ligne de compte dans son choix, mais cela va perturber l'organisation de toute la famille et nous imposer à tous le rythme stressant de l'école. Et Pierre n'aura plus sa sœur ici pour s'amuser.
Après si Pierre redemande d'aller à l'école, il ira aussi.
On les écoute.

Et financièrement, c'est pas trop dur ?

[En somme et sans rentrer dans les détails, tous revenus confondus, avec l'arrivée de Simon, la perte financière globale de la famille est assez faible par rapport à leurs revenus d'origine et reste assez gérable.]

H : il est clair que pour certaines familles c'est un frein. Certains parents ne se poseront même pas la question de déscolariser à cause de la perte financière. Nous connaissons aussi des familles qui doivent se serrer la ceinture mais qui ne regrettent pas leur choix !

O : de plus on n’achète pas vraiment de matériel. Ils jouent avec ce qu'ils ont, on sort beaucoup, on essaye de rebondir sur les choses du quotidien. Donc à part acheter des livres... que parfois on demande en cadeau. Et puis il y a internet.

H : ce qui est super d'ailleurs, c'est qu'avant, je laissais tout ce qui touchait à l'apprentissage à l'école. Donc quand Pierre avait des questions, on répondait vaguement pour ne pas ajouter à la charge de travail qu'il avait déjà à l'école. Je pense que c'était très frustrant pour lui. Alors qu’aujourd’hui on rebondit sur tout ce qu'il nous demande et on apprend plein de choses en même temps.

Et alors, concernant LA fameuse question que tout le monde se pose....

H & O : la sociabilisation !

...et ben oui... ^-^

H : c'est la première question que tout le monde te pose.

Et vous vous êtes posés aussi des questions à ce sujet ?

H : quand nous avons commencé à penser déscolarisation l'an dernier, nous sommes allés voir la psychologue scolaire...très freudienne, jamais entendu parler de Filliozat... Elle nous avait dit : « Mais surtout pas ! Pour un enfant comme Pierre se serait la catastrophe ! Lui qui a du mal à se séparer de vous, si vous le gardez dans le cocon familial, il n'en sortira jamais. Ce n'est pas lui rendre service, il faut qu'il soit au contact d'autres adultes et d'autres enfants ». Donc on était restés là-dessus en se disant que ce n'était pas une bonne idée. Et au final c'est tout l'inverse qui s'est passé. Il s'est totalement ouvert. Je pense que du fait qu'il ne se sente pas forcé, il se sent plus libre et il s'ouvre plus.

O : On a découvert un petit garçon très différent de l'image que nous en donnait les institutrices. Dans la cour de récréation, il ne jouait pas avec les autres enfants, il était réservé, il n'arrivait pas à se détacher de nous. Et au final, nous constatons l'inverse au quotidien.

H : et puis les rapports des enfants à l'école... Même la cour de récréation n'est pas un lieu de sociabilisation, c'est plus un défouloir. Les enfants sont tellement restreints à longueur de journée que quand ils se lâchent à la récréation, ils deviennent des fauves. Et puis pour ne pas qu'ils se blessent, on leur interdit de courir, de sauter, etc. au final, qu'est-ce qui leur reste : se taper dessus.

O : la sociabilisation c'est le dernier argument qu'on te jette quand tout le reste a échoué. Mais au final, c'est un faux problème. Pierre est bien plus épanoui dans ses relations sociales aujourd'hui qu'avant.
En plus, il s'est beaucoup rapproché de sa sœur. Au fil du temps, ils sont devenus très complices et il prend grand soin de ses frère et sœur.

Et ses copains d'école, ils en pensent quoi ?

H : je crois qu'ils n'en parlent même pas entre eux. C'est plus à nous qu'ils posent des questions, mais pas à Pierre. Certains sont intrigués mais ils ne jugent pas !


En conclusion Hélène et Olivier sont arrivés à l'unschooling par obligation, mais c'est aujourd'hui un choix qui leur correspond totalement et à tous les niveaux. On les sent pleinement convaincus, confiants et heureux de suivre la voie qu'ils ont choisie. De ressentir tout cela fut très enrichissant pour moi et extrêmement rassurant. Encore merci à eux d'avoir bien voulu partager leur expérience.



2 commentaires:

  1. Merci pour ce beau témoignage... j'ai aussi eu des retours sur l'ouverture de structure alternative où tu y passes des heures et des heures et du coup ta famille passe en second plan, il faut bien réfléchir à cela avant de se lancer!
    je trouve ça fabuleux d'être à l'écoute de ses enfants comme ça et d'accepter que l'un ou l'autre aille à l'école, que l'autre fasse du unschooling... je suis complètement convaincue de la démarche, mais vraiment j'admire ces personnes qui arrivent à prendre autant de recul fasse à ce que nous impose la société.
    Je ne connaissais pas la structure "les souris vertes", ça à l'air bien sympa aussi...

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    Réponses
    1. Je suis pressée d'avoir des retours sur leur premier contrôle par contre....
      Les souris vertes, c'est l'école où j'aurais aimé mettre ma fille. C'est une école établie avec de petits moyens mais beaucoup d'idées et elle est vraiment super.

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