Dans l'esprit de beaucoup
de gens, Montessori, c'est ça :
Or, pour pratiquer ça
correctement, il faut du matériel spécifique. Qui est
pléthorique, et qui est cher. Et puis, il faut savoir s'en
servir, et le présenter correctement, et l'inscrire dans une
certaine progression. Et pour faire cela correctement il faut être
formé(e), avec ses propres deniers et sur son propre temps.
Donc ça,
c'est exigeant.
Et pourtant la méthode
Montessori ne cesse de faire des émules en France et
aujourd'hui c'est de loin je pense la plus populaire des pédagogues
dit « alternatifs » (à notre éducation
nationale ).
Je pense que l'une des
raisons à cela c'est que ça reste l'une des pédagogies
que l'on peut le plus facilement inclure dans son quotidien.
Vous aurez remarqué
que, à quelques cartes de nomenclatures, et cadres d'habillage
près, je n'utilise pas de matériel spécifique.
Je ne les connais pas tous, je connais encore moins leur progression
(même si j'y travaille, notamment grâce aux documents de
Céline, merci à toi), je ne le présente pas
toujours comme il faut (et de moins en moins) et ma fille ne les
utilise pas comme il faudrait. Et je n'ai fait aucune
formation d'aucune sorte et n'en ferais sûrement jamais (bien
que ça m'aurait sûrement beaucoup intéressé).
Quand j'ai découvert Montessori j'ai pensé que c'était
le système instructif ultime. Et puis j'ai constaté
qu'en fait, dans notre maison, il ne trouve pas entièrement sa
place.
Et pourtant, je ne cesse
de mentionner Maria Montessori partout dans ce que j'écris.
Mais alors, comment est-ce que je prétend pratiquer cette
pédagogie ?
Et bien précisément,
je ne la pratique pas. Par contre, je m'inspire de l'esprit
Montessori. Et, oui, Maria Montessori inspire au quotidien ma façon
d'être maman. Bien sûr j'égraine des éléments
au fil de mes articles, mais pour parfaire ma série :
« Relativisons », j'ai ressenti le besoin de
faire un point spécifique sur ce sujet.
Ce que Montessori
m'apporte :
Comprendre comment
fonctionne l'enfant
L'enfant,
De l'Enfant à l'adolescent, L'esprit
absorbant, sont des ouvrages qui en disent long sur le
fonctionnement de l'enfant, auxquels répondent certains
principes montessoriens comme les périodes sensibles, le
besoin d'apprendre avec son cerveau ET
avec son corps et l'importance du sensoriel en général,
l'isolement de chaque difficulté, etc. Tout ça ce sont
des principes que l'on peut appliquer au quotidien.
Encore une fois, je vous
encourage vraiment à lire Maria Montessori car on y trouve une
formidable source d'informations pour comprendre ce qui se passe dans
les p'tites têtes formidablement bien huilées de nos
chérubins.
Apprendre à
observer
Une fois que l'on est
sensibilisé(e) à tout ce qui se passe chez l'enfant, on
apprend à observer : à déceler tout
un tas de choses que l'on ne voyait pas avant.
Quand ma fille était
bébé, je trouvais le temps long, franchement ennuyeux
même parfois. Je trouvais qu'on ne faisait « rien » :
tétées, promenades, câlins, dodo. Je n'imaginais
pas tout ce qui se passait dans sa tête à elle. J'étais
toujours pressée qu'elle grandisse pour faire ci ou ça.
Et un jour, j'ai remis le
nez dans mes vidéos et il y en une où ma fille m'a
scotché. Je l'avais filmé pendant qu'elle jouait avec
un piano pour bébé. En la revoyant des mois après,
forte de tout ce que j'ai appris, j'ai vu. Toutes les étapes,
toutes les découvertes, tous ses efforts. J'ai trouvé
cette vidéo passionnante et je l'ai revu plusieurs fois et la
regarde encore. J'étais tellement fière de ma choupette
et tellement déçue de n'avoir pas su voir cela avant :
ses débuts incroyables de verbalisation à coups de
« tékotcha, kokoka. Tétékoka»,
ses efforts moteurs, sa concentration, le panel de sens qu'elle
sollicitait pour découvrir un objet sous toutes ses coutures.
A l'époque je me disais « Elle ne se sert pas de
cet objet comme il faut !! », et aujourd’hui je
vois, je comprend, je la suis.
J'ai compris aussi que le
but n'est rien sans le chemin qui y conduit.
Sur ce point je sens
nettement la différence entre l'avant et l'après
Montessori.
Choisir un bon matériel
d'éveil
Quand on comprend mieux
l'enfant, on cerne aussi mieux ce dont il a besoin. Et en étudiant
le matériel montessori, son fonctionnement, ses objectifs, ses
caractéristiques, je sais mieux aujourd’hui choisir un
matériel d'éveil pour ma fille. Même quand il
n'est pas montessorien. Savoir quels sont les jeux intéressants
et parfois, entre plusieurs versions d'un même objet j'ai des
critères plus précis qui m'aide à mieux choisir.
Aménager l'espace
Repenser mon intérieur pour accueillir ma fille comme un
habitant à part entière, réaliser des
aménagements qui favorisent son autonomie, créer
des coins de jeux pensés pour l'inviter à
la découverte, à l'expression, qui aient un sens. Sur
ce point aussi le changement fut radical et la méthode
Montessori est très nettement ma première source
d'inspiration.
Savoir saisir les
opportunités de la vie
En sachant cerner les
objectifs à atteindre et transposer ces objectifs dans la vie
de tous les jours. Je me suis pas mal intéressée au
matériel, aux ateliers, à leur progression et je
continue de le faire. Au départ c'était dans le but de
tout reproduire à la maison mais aujourd’hui
je sais que ce n'est pas entièrement pour nous.
Mais toute ma recherche m'a « éveillé »
et les tenants et aboutissants de cette pédagogie sont restés
gravés dans ma tête. Désormais je les applique
dans ma vie de tous les jours. Et il s'est instauré une sorte
de déformation dans mon cerveau qui me fait penser en d'autres
termes qu'avant, qui me fait voir dans des situations quotidiennes
des éléments de « vie pratique »,
de « découverte sensorielle », de
« phonologie », de « dénombrement »,
etc, que je ne voyais pas avant ^_^.
Comprendre le vrai enjeu
de l'instruction
La vision si belle,
ouverte et humaniste que Maria Montessori donne des apprentissages
offerts aux enfants permet de comprendre que l'instruction ne
consiste pas seulement à apprendre à lire, écrire
et compter mais quelle doit donner des outils pour permettre à
nos enfants d'être des citoyens, éveillés,
curieux, conscients, solides, ouverts. Qu'elle ne doit pas seulement
parler à l'esprit mais aussi à l'âme. Qu'elle
doit s'enraciner dans la vie profonde. Et qu'elle est un instrument
de la paix, de l'avenir. L'éducation et la paix,
sérieusement, si ce n'est pas le sens à donner à
tout ceci ?
J'ai toujours eu envie de
participer à rendre le monde meilleur. Grâce à
Maria Montessori je sais aujourd'hui que le meilleur moyen d'y
arriver c'est de permettre à nos enfants de se construire
intérieurement dans les meilleures conditions et avec le plus
profond respect (voir aussi Education pour un monde nouveau
à ce sujet).
Respecter le besoin
d'autonomie de l'enfant.
Ce qui conduit par extension
à le respecter en tant qu'individu à part entière,
et ce quelque soit son âge. Chez nous, Minimog décide de
beaucoup de choses la concernant et nous respectons autant que faire
ce peut son besoin de faire « touuute seuuuule »,
même si parfois ça nous complique les choses. Ce
faisant, elle est déjà consciente qu'elle est maîtresse
de sa vie et que nous la respectons en tant que telle. Elle apprend
aussi à être responsable de ses actes.
Il arrive fréquemment
que quelqu'un me demande : « Elle voudra manger ça
tu crois ? Elle voudra faire ça ? Qu'est-ce qu'elle
prendra ? » - ma réponse est souvent :
« Ben, c'est à elle qu'il faut le
demander ». Et pourtant je constate de plus en plus que ça
ne vient pas à l’esprit des gens de commencer à
savoir ce qu'elle veut, la concernant. Dans l'esprit des gens,
pendant longtemps c'est le parent qui décide de tout ce qui
concerne l'enfant : ce qu'il aime, ce qu'il désire, ce
qui est bon pour lui, ce dont il est capable. C'est un peu comme
parler d'une personne qui est dans la pièce comme si elle
n'était pas là. Aux yeux des adultes, nos enfants sont
transparents.
Pourtant nous le constatons
tous les jours, son besoin de faire seule est extrêmement fort.
Et le fait de respecter cela la conduit aussi à se sentir
impliquée dans la vie à la maison, ce qui je l'espère,
la conduira plus tard à se sentir impliquée dans la vie
du monde.
Respecter son rythme d’apprentissage
Ce qui veut dire :
lui laisser l’opportunité de faire des choses seule si elle
est prête, même si la société juge que
c’est trop tôt (à commencer par la façon dont
on l'a laissé se nourrir seule) mais aussi ne pas
vouloir la pousser. Et si elle ne fait pas ci ou ça ou encore
ça, désormais, je m'en fiche et ça ne m'inquiète
plus le moins du monde. Mince, elle n'a même pas deux ans et
demi !
Renouer avec le
scientifique quand il est vu avec passion et dans un angle humaniste
Je ne
suis pas une grande scientifique dans l'âme et pour moi
scientifique ça rimait avec « très chiant ».
M’intéresser à la pédagogie Montessori
(pédagogie scientifique) m'a beaucoup aidé à
voir la découverte scientifique sous un angle très
différent. Depuis je suis attachée à la
recherche de l'exactitude et j'essaye d'emmener ma fille et de
m'emmener aussi vers une découverte qui dépasse le
simple ressenti pour chercher à comprendre, à
expérimenter.
J'ai
compris que les deux peuvent aller de paire : l'imagination, la
créativité, le sensible, et la recherche, la
découverte, l'intellectuel. Voir qu'ils se nourrissent
mutuellement : la connaissance stricte n'aide en rien si l'on en
fait pas quelque chose, et plus on s’attelle à comprendre la
réalité, plus on nourrit notre imagination.
Je vois
aussi à présent la magie qui se cache dans les
phénomènes scientifiques.
En
donnant à ma transmission un angle plus scientifique, j'ai
l'impression de donner à mon enfant les clefs du monde.
Bénéficier
du matériel montessorien.
Il y a toute une partie du
matériel montessorien qui s'utilise assez librement : puzzles
de zoologie, cadres d'habillage, cartes de nomenclatures, par
exemple.
D'ailleurs - c'est le moment
où je me mets les puristes à dos (encore que, les
puristes ne viennent pas chez moi je pense >p) – mais pourquoi
pas les cylindres ou les boites de couleurs ?
Entendons nous bien, je ne
suis pas en train de dire que la progression du matériel et la
façon dont il est censé être présenté,
proposé et utilisé sont négligeables. Tout cela
participe d'une utilisation optimale de ce matériel qui a été
pensé au sein d'un système où tout a un sens et
un but précis.
Mais, je crois qu'il
faut différencier les utilisations que l'on en fait.
Personnellement, je l'ai compris, je ne suis pas une pédagogue,
ni une enseignante. Je ne suis donc pas la pédagogue ni
l'enseignante de ma fille. Certaines mamans endossent aussi ces rôles
là, mais moi pas. La pédagogie, l'enseignement c'est
passionnant, mais je laisse le soin à d'autres (qui sont
formés pour ça) de pratiquer cela comme il se doit.
Or la pédagogie
Montessori si on veut l'appliquer exactement, doit réunir
plusieurs facteurs (environnement, progression, etc.) que je n'ai
pas.
Moi je suis « juste »
une maman. Et en tant que maman, mon rôle premier à mes
yeux n'est pas d’instruire ma fille. Mon rôle est de
l'accompagner et de la soutenir dans son développement
intérieur et pour cela, j'essaye, entre autres, de nourrir au
mieux ses apprentissages.
Il n'y a pas d'école
à la maison et je ne suis jamais arrivée à
instaurer réellement de vrais moments de « travail »,
c'est donc que (au moins pour l'instant) ni moi ni ma fille n'en
avons besoin.
Pour autant, je ne vois pas
pourquoi je n'utiliserais pas si j'en ai envie, et si ma fille y
trouve un intérêt, une partie du matériel
montessorien.
Si la troisième boite
de couleurs m'inspire plein d'idées alors que je n'avais
jamais voulu acheter la première et la deuxième
pourquoi me priver ? Si un jour les puzzles de fractions ou la
table des multiplication peuvent aider ma fille à comprendre
le sujet sans qu'elle ait suivi un cursus mathématique
montessorien complet pourquoi s'en passer ?
De plus, j'ai fait une croix
sur l'idée d'appliquer la pédagogie Montessori à
la maison, mais je ne m'empêche pas de continuer à
lorgner sur du matériel « ouvert » que
j'envisage de plus en plus de mettre à disposition libre de ma
fille, comme de simples propositions (sacrilèèège !
^_^).
Une porte vers les autres
Montessori c'est sûrement la
pédagogie qui a le plus de succès aujourd’hui mais
beaucoup de gens multiplient les influences à la maison. Quand
on pousse la porte de Montessori, grâce aux échanges,
on découvre souvent par la suite Steiner, Reggio, Frobel,
Freinet, Mason...
Et comme je suis là
aussi de tendance iconoclaste, je me dis que de pratiquer à la
maison et pas dans un cadre scolaire réglementé permet
de joyeusement mélanger tout cela pour se créer, at
home, la pédagogie qui nous convient.
Dans le même état
d'esprit, je vous invite à lire l'article d'Anaïs ici
Contrairement à moi,
Anaïs possède un bagage d'enseignante, est mère au
foyer (en ce moment du moins) et est formée à la
pédagogie Montessori. Elle a donc une pratique beaucoup plus
précise, intense, fidèle et académique que la
mienne. Néanmoins, son article m'a semblé résonner
avec le mien par son envie de sortir Montessori d'une vision
matérialiste et étriquée pour en revenir à
l'essentiel. La preuve pour moi que l'esprit Montessori est la base,
l'essence de cette pédagogie qui reste commune à tous,
quelques soient les pratiques que l'on en a.
Tes articles font toujours énormément de bien car ils recentrent l'essentiel (pour moi en tout cas). Merci.
RépondreSupprimerMerci Hélène, oui, tes articles font du bien ! Une pratique académique, mais pas que ! Je m'ouvre à beaucoup de pédagogies, j'y vais au feeling aussi. Mais avec mes deux grands atypiques, Montessori fonctionne très bien, donc je continue :)
RépondreSupprimerC'est tout à fait ma vision des choses ! Je "pratique" comme toi, au feeling et assez peu d'activités en plateau (généralement c'est des bid complets ! ) mais je comprends l'essence de l'activité et quand je tombe sur un jouet qui travaille la même chose, je le privilégie à d'autres : )
RépondreSupprimerOh merci les filles ! Lire que mes articles font du bien c'est de loin le plus beau compliment que l'on puisse me faire !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cet article car il dit l'essentiel de ce que je pense :
RépondreSupprimer1) C'est l'esprit qui compte avant le matériel
2) L'utilisation du matériel montessorien n'est pas un dogme
3) La fantaisie, l'imagination, l'adaptation en fonction de l'enfant avec lequel on travaille sont fondamentales.
Cependant, je ne ne suis pas tout à fait d'accord avec le titre : ne pensez-vous pas que vous faites plutôt de la pédagogie active que du Montessori ? En effet, tous les principes que vous énoncez sont le "tronc commun" aussi bien à Dewey, qu'à Montessori, Freinet, Steiner, Decroly, Freire, etc.
Il me semble qu'il y a un danger à dire "Je fais du Montessori sans formation, sans matériel, etc. Trop de gens se jettent justement sur le matériel sans savoir l'utiliser et sans avoir fait les lectures multiples que vous avez faites. Ne pensez-vous pas que cela risque de les conforter dans leur "butinage" ?
Le fait est que, je ne connais pas suffisamment les autres pour savoir si tout se rejoint (encore que, pour m'être un peu intéressé à Steiner par exemple, je ne trouve pas que ce soit une pédagogie scientifique, ni une pédagogie qui respecte totalement le rythme de l'enfant puisque par exemple, l'apprentissage de la lecture est bannie avant 7 ans). Je ne peux donc pas dire que je pratique la pédagogie de pédagogues que je ne connais pas bien. Dans dans mon cas, tous les points que j'énonce m'ont en tous cas été inspiré par Montessori et je les pratique de manière montessorienne. Prenons l'aménagement par exemple : il est important dans de nombreuses pédagogies mais il n'est pas forcément pensé de la même manière.
SupprimerCe que tu dis n'est pas forcément faux, mais moi je ne peux pas l'énoncer par manque de connaissances (c'est d'ailleurs l’intérêt des commentaires, ils sont des complétements toujours enrichissants= ;-).
Quant au danger d'encourager le butinage.... Bon, je crois que pour certains lecteurs, j'ai raté mon objectif. Parce que j'espérais justement faire comprendre que "faire du Montessori" ça nécessite un bagage solide (mon titre parle de pratiquer, certes, mais la réponse qui est dans l'article est : je ne pratique pas vraiment, je m'en inspire). J'espérais aussi encourager les gens à LIRE Maria Montessori. Mon objectif n'est pas de dire : "Allez-y achetez une tour rose et deux boites de couleurs et hop, magie, vous faites du Montessori !". C'est même plutôt l'inverse. Après si des personnes veulent butiner, j'ai envie de dire : c'est leur droit. Pour certains c'est une étape nécessaire avant de prendre du recul.
C'est vrai qu'avant 3 ans, la différence entre les pédagogies est moins marquée. J'essaye dans mon quotidien de séparer le Montessori pur, sur étagères, que l'on pratique en matinée ou en soirée avant le sommeil (oui, ma fille est très concentrée le soir après le dîner), du reste, classé "non montessori" sur mon blog, que l'on pratique plus dans l'après-midi, qui concerne le sensoriel (arts, musique ...).
RépondreSupprimerMerci pour cet article qui correspond beaucoup à mon vécu et mon ressenti !
RépondreSupprimerÇa fait toujours beaucoup de bien de lire des articles "vrais", que l'on sent écrit par des personnes "normales", loin de la perfection culpabilisante qu'on rencontre souvent. C'est porteur, motivant, bref : merci !
Et longue vie à ce nouveau blog !