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vendredi 29 mai 2015

Lâcher prise - « S'écouter » ni évident, ni simple

Cela fait des semaines que j'ai envie de partager avec vous mon état d'esprit du moment : qui consiste donc à "lâcher prise" mais mon Dieu c'est compliqué ! Parce qu'en fait, cet état(pe) provient de plein de sources différentes, et se traduit à la fois dans ma pensée, mes aménagements, mes habitudes de vie, bref.... un joyeux bazar à poser par écrit qui part dans tous les sens à chaque fois que je m'y colle. Du coup, ça fera l'objet de non pas 1 mais plusieurs articles, aussi hétéroclites que ne l'est ce que j'ai à partager : de la réflexion pédagogique à l'article "petits moments précieux". Mais ne me demandez pas pourquoi, je sens qu'il y a quelque chose à offrir en partageant cela.

Une copine à moi qui se reconnaîtra me répète à l'envie, qu'il n'y a "pas de hasard". Je ne sais pas si c'est vrai mais c'est sûrement une façon de voir la vie sous un angle positif et qui aide à accepter les choses. Mais nous connaissons en tous cas tou(te)s ces périodes où on a le sentiment que tout converge à vous faire franchir une étape ; telles les pièces d'un puzzle qui s’emboîtent pour révéler un motif cohérent (ce que j'espère faire à travers mes articles d'ailleurs et qui vous aideront à comprendre ce que j’entends par « lâcher prise »).

Il y a eu la découverte du unschooling et son absence de cadre qui m'a amené à découvrir l'instruction libre.
Il y a eu ma grossesse : état qui m'amène naturellement à un détachement, un sentiment d'harmonie. Et mon projet d'accouchement physiologique qui implique « d'apprendre » précisément, à lâcher prise, au delà de ce que l'on croyait possible (quelle chance j'ai eu à ce sujet de pouvoir visionner -partiellement malheureusement- l’incroyable conférence de Maïtie Trelaün sur l'accouchement physiologique lors du sommet sur la naissance !).
Il y a eu un long échange avec mon oncle sur ma parentalité qui fut très surprenant mais enrichissant.
Et puis il y a ma fille, qui n'a qu'à être elle-même.

Je reviendrai sur elle plus tard mais j'aimerais évoquer dans cet article-ci la conversation que j'ai eu avec mon oncle. Baroudeur et aventurier dans l'âme, il vit depuis plusieurs années par monts et par vaux et sur le fil du rasoir. L'arrivée récente de son premier enfant s'est faite de la même façon : « Avançons, nous verrons » et il revendique le fait de z'yeuter à plusieurs sources mais de globalement s'écouter et suivre sa voie en la matière. 

Son premier commentaire, dans une période où trop de questions me montaient à la tête fut du genre : « Pourquoi se prendre la tête à l'avance sur des choses qui n'arriveront peut-être jamais ? ».
Alors, mon passé m'a appris à faire ça, parce que comme je lui ai dit, je sais ce que ça fait de tomber du fil du rasoir et de se couper. Mais je lui donne raison : anticiper, oui, se prendre la tête alors qu'aucune solution n'est à portée, voire que le problème ne se pose pas (encore) vraiment c'est inutile et énergivore. J'avoue que je suis son conseil depuis et ma vie me semble bien plus légère à porter !

Par contre, la question de la parentalité et le fait de « s'écouter », de suivre sa voie, m'amène à une réflexion un peu plus complexe.

Tout le monde vous le dira, le mieux quand on est parent, c'est de « s'écouter », de suivre son « instinct » (avant de vous donner un milliards de conseils sur la façon d'élever vos enfants).
Mais est-ce vraiment si simple ?

Notre « instinct » qui existe très certainement, n'est-il pas pour certains d'entre nous, abondamment recouvert d'un héritage éducatif qui conditionne largement nos comportements et notre façon de penser ? Cet héritage nous vient des lieux commun, de notre vécu d'enfant, de la publicité, et nous l'intégrons comme étant la voie à suivre, parfois sans même envisager qu'il puisse en être autrement.
Je vous donne un exemple tout bête : dans les signalétiques communes pour indiquer tout ce qui touche au bébé, quels symboles utilise-t-on le plus couramment ? Parmi eux au moins : un biberon ou une poussette. Ce sont pourtant 2 objets que des mamans qui allaitent et qui portent n'utilisent pas ou très peu (dont moi). Or dans l'esprit de nombreux parents, bébé = poussette et biberon. Ça semble naturel, normal, mais est-ce que ça l'est réellement ?

Je vous recopie, un extrait de l'échange que nous avons eu : 

Sa remarque : 
 "Vu de loin (car on doit quand même se faire une idée de tout ça à 9 000 km de distance !), tes démarches paraissent parfois paradoxales... D'un côté, une envie frénétique de laisser ta fille s'épanouir le plus librement possible. Et, de l'autre, à force de tout faire pour, tomber dans la situation inverse où tout est pensé, conceptualisé, etc. Bref, un nouveau carcan. C'est extrêmement déroutant. Mais là encore, on voit ça de loin..."
Remarque d'une extrême pertinence, vous en conviendrez. Qui m'a beaucoup porté à réfléchir.

Ma réponse :  "Il y a du vrai et j'en suis consciente. En fait, mes découvertes en parentalité, au début c'était juste, découvrir des choses qui me parlaient : le portage, les signes, la DME : "cool, c'est chouette !"  Ensuite, il y a eu les découvertes en matière d'éducation et là déjà, j'entrais dans un autre univers. Si je te dis qu'en optant pour une éducation sans fessées, punitions ni récompense, je prends léééégèrement le contrepied ce que j'ai vécu étant enfant, tu me croiras, non ? Bien sûr depuis mon adolescence, ma relation avec mes parents s'est beaucoup apaisée, mais tu as toi même en mémoire ce qu'il en était quand nous étions enfant. J'adore mes parents, ce sont des parents formidables mais si pour toi la bienveillance en famille c'est quelque chose de normal, moi, il a fallu que j'aille la chercher, enfin, en terme de méthodes (les valeurs profondes, je les ai eu malgré tout). C'est né d'une envie spontanée : étant enceinte j'ai senti de moi-même que je n'avais pas envie d'aller par là mais ensuite, j'ai du faire un gros travail sur moi-même pour revenir sur mon passé, faire le point, et entrer dans cette démarche. Et encore aujourd'hui, j'y travaille. Mais en tous cas, oui, j'ai perdu en spontanéité, c'est évident. Parce que ce qui me vient ""naturellement"" n'est pas toujours, non, ce qu'il y a de mieux à mes yeux.  
Et puis sur l'éveil et l'instruction, alors là ce ne fut que découvertes ad hoc sur des façons de faire et de penser totalement nouvelles pour moi ! Et en plus, ça m'a littéralement passionné. Quand j'ai découvert Montessori, j'ai "montessorisé" ma maison de A à Z, j'ai cherché du matériel, des activités, j'étais A FOND. J'ai rarement été aussi happée par un penseur ces dernières années, tous domaines confondus. Et j'en ai trop fait. Mais je constate aujourd'hui que beaucoup de parents en passent par là au début, par une période un peu "intégriste" due à l'enthousiasme : on veut bien faire et on en fait trop et comme on se passionne, on voudrait emmener l'enfant avec nous (alors que je m'étais jurée les grands dieux que je ne ferais jamais ça...). Heureusement pour moi, plein de choses n'ont pas fonctionné avec Minimog. ^_^. Au début je luttais et puis j'ai repris conscience : "Attends tu fais ça pour qui ? Toi ou elle ?" [...]. J'ai découvert, j'ai intégré, j'ai copié et maintenant j'ai pris mes marques, NOS marques. Mais ceci dit, un environnement bien pensé EST aussi à mes yeux un atout énorme pour favoriser l'autonomie de l'enfant."
Si j'avais écouté mon « instinct », comment aurais-je éduqué ma fille ? Il y a surtout fort à parier que j'aurais reproduit tout un tas de gestes et de façons de faire qui aujourd'hui ne me parlent pas.
Encore aujourd'hui, il m'arrive d'assister à des scènes où ma bienveillance éducative n'a plus beaucoup de place, en étant consciente du fait que ce n'est pas ce que je veux, que je suis persuadée de l’inutilité, voire des conséquences néfastes de ce que je suis en train de faire, mais sans pouvoir reprendre le dessus. Comme si quelque chose en moi, de plus fort que moi, se déclenchait contre ma volonté.
Je pense qu'aucune mère ne peut laisser pleurer son enfant sans avoir une alarme à l'intérieur qui s’enclenche, aucun parent ne donne de fessée à son enfant sans ressentir regret et douleur. Mais notre bagage éducatif nous a dit que c'était ce qu'il fallait faire, alors nous le faisons et nous étouffons ces signaux.
Certains parents dont les pleurs n'ont pas été entendu étant enfant ne peuvent pas entendre les pleurs de leurs propres enfants. Pas sans un travail sur eux-mêmes, sur leur passé. 

Sans Isabelle Filliozat, je n'aurais sûrement jamais compris comment fonctionne un enfant, sans Maria Montessori, je n'aurais jamais respecté son besoin d'autonomie et sa capacité à apprendre par elle-même, sans la Leche league, je n'aurais jamais su entendre mon besoin de maternage, sans Thomas Gordon, je n'aurais jamais connu de méthode efficace pour éduquer ma fille sans être ou autoritaire ou laxiste.
C'est en lisant, en discutant, en écoutant des conférences, en lisant encore, que je me suis trouvée. Et si aujourd’hui je reviens à ma source, c'est grâce à ce par quoi je suis passée avant et qui a ouvert mes horizons, m'a nourri.

MAIS encore une fois, il convient à un moment donné de revenir à soi, de relativiser, même ces outils précieux.
Nous sommes nombreux(ses), j'en suis certaine, à traverser des périodes un peu « psycho-rigides » ou on pense Montessori, on respire Montessori, on vit Montessori, ou Steiner, ou Reggio, ou Faber Mazlich, Rosenberg, ou ce que vous voulez. Ces périodes où l'on ne jure que par ça, et on veut que ça fonctionne, au point que l'on s'affole si ça ne fonctionne pas. C'est tellement génial, tellement évident, ce n'est pas la méthode qui a un problème, c'est nous, c'est notre enfant.
Ces périodes sont je pense d'autant plus intenses et « extrémistes » que ça ne correspond pas à notre héritage culturel de départ. On sent que ce dernier nous fait faire fausse route, alors on se reprogramme « comme il faut ».
En passer par là me semble normal. Ce qui craint vraiment, c'est de ne pas en sortir.
Je cherche pour ma part à relativiser depuis des mois et des mois, c'est le discours que je prône depuis longtemps ici (genre et et aussi).
Mais je me rends compte aujourd’hui à quel point je n'y arrivais pas vraiment. A quel point mon manque de confiance, mes doutes, me gardaient accrochée à des principes qui m'aveuglaient tout autant que le reste.

Il y a un temps pour se nourrir et un temps pour lâcher prise, et revenir à soi.
Ce temps est venu pour moi. Bien des chemins m'y conduisent.

5 commentaires:

  1. Je ne peux que me reconnaitre dans ce que tu écris bien que je ne crois pas avoir été à fond dans quoi que ce soit depuis le début et qu'on arrive à cette prise de conscience de manière bien différente: toi en portant la vie et moi en accompagnant dans la mort...Toutefois, je ne partage pas ta vision de l'instinct. On en a parlé récemment, mais pour moi l'instinct c'est ce qui reste au fond de nous quand on a mis de coté la mémoire culturelle et celle de notre corps, ce que tu appelles notre héritage. C'est seulement une fois libérée de ça que l'on peut entendre cette petite voix en nous qui nous guide. Mais pour ma part l'instinct ne suffit pas, pour accepter j'ai besoin de comprendre, je fonctionne comme ça, c'est mon coté très rationnel, et les rencontres, les apprentissages que j'ai pu faire m'ont permis du coup de mettre des mots, de donner d'avantage de sens a ce que mon instinct m'amener à faire.

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    1. Tu m'as mal comprise : je ne dis pas que "instinct" et héritage éducatif sont une seule et même chose, du tout ! Ta définition de l'instinct me convient très bien, je dis juste que c'est parfois très difficile d'aller le chercher quand il est recouvert de tout un tas de trucs qui se mettent en branle bien avant lui, qui le masque, l'étouffe et que parfois, justement ce qu'on prend pour de "l'instinct" n'est que cet héritage qui est le notre et qui est éminemment culturel. Comme tu le dis : "C'est seulement une fois libérée de ça que l'on peut entendre cette petite voix en nous qui nous guide." Encore faut-il se libérer... Et même avoir conscience d'avoir quelque chose à libérer.

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  2. Ahhhlala que tes mots raisonnent en moi... pour ma part j'ai aussi du mal avec l'instinct... j'ai besoin de voir où je mets les pieds, de comprendre, d'échanger et de me faire ma propre opinion.
    Et effectivement, je pense aussi qu'il faut sortir de se "reprogrammage" de temps à autre et être seulement soi et l'accepter avec notre héritage, nos défauts, nos réussites et nos ratés pour pouvoir y voir plus clair et avancer en sérénité!
    En tous les cas, très bel article qui mettent des mots sur ce que je ressens aussi depuis plusieurs mois.

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  3. Bien d'accord aussi. Comme c'est difficile de ne pas perdre de vue ce dont on a vraiment envie, besoin au fond de soi, dans tous les domaines (professionnel, style de vie, familial etc). On peut tellement vite se faire happer par des façons de penser qu'on trouve bien, mais qui ne sont pas les notres. La société dicte des idéaux de réussite, qui sont de fait, ceux de peu de personnes et rendront malheureux la majorité.
    Concernant l'éducation, j'essaie régulièrement de reprendre mes yeux de petite fille et de me demander "est-ce que faire ça m'aurait plu?" et ça me retient de faire beaucoup de choses, pour ne pas dire tout ! Je me suis rendue compte que ce qui nous plaisait enfants, dans ma famille, c'était faire SEULS et A NOTRE INITIATIVE, n'importe quoi (essayer d'attraper des lézards, inventer des recettes de gâteaux, essayer de faire du parfums à partir de fleurs, du feu avec des miroirs, faire des cabanes en branches et feuilles..) . Et que les mêmes choses faites à l'initiative d'un adulte étaient juste beurk et ennuyeuses (même si on adorait l'adulte en question).
    J'en suis arrivée à la conclusion que les pédagogies alternatives sont top...dans le cadre scolaire, point barre. Chez moi, elles n'ont pas de place, même si j'adore lire sur les pédagogies. J'essaie de préserver le plus de temps informel de jeu (= sans intervention aucune de l'adulte). Nous jouons aussi avec eux en suivant leurs règles ou les notres. Les deux me semblent importants.
    J'essaie de refaire les choses qui m'ont plu et marquée petite, et ça inclut des choses devenues ringardes (raconter des histoires sans livres, faire des ombres chinoises avec une lampe torche et les mains...) et d'autres limite tabous car "mal" comme les dessins animés etc.
    Bon cheminement à toi,
    Chloé

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    1. (je suis convaincue que petite j'aurai préféré pleurer toutes les larmes de mon corps devant Princesse Sarah plutôt que de passer le même temps à passer mon doigt sur des lettres. Et à vrai dire, d'un point de vue d'adulte, je crois que Princesse Sarah apporte aussi des choses (empathie, découverte des injustices sociales, injustices morales etc) que des lettres n'apporteront jamais.)
      Chloé

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